Par SANDRINE ADON, doctorante en Droit Privé,
Certifiée de l’UDDH en Droit des Femmes
L’existence d’un corpus juridique adéquat peut permettre d’atteindre l’objectif de mettre fin à la traite personne. Toutefois, cela suppose une symbiose d’action de l’Etat et des populations.
Sandrine ADON
La traite des êtres humains (ou traite des personnes) désigne généralement le processus par lequel des personnes sont placées ou maintenues en situation d’exploitation à des fins économiques.
La traite implique une idée de mauvais traitement à l’égard d’un individu sans aucune
possibilité pour lui de se défendre.
La traite des êtres humains est une pratique qui a longtemps marqué l’époque
précoloniale par l’esclavage classique ensuite par le mauvais traitement appliqué par certains peuples sur d’autres (l’exemple des allemands et des juifs).
Le constat est fait de la réalité selon laquelle la traite dépasse le cadre des frontières
terrestres des Etats. Ce qui a entrainé l’intérêt des nations unies pour la protection et la défense des personnes victimes de traite.
Cependant, Malgré l’existence d’un cadre juridique international complet, des millions
d’enfants, de femmes et d’hommes continuent à être victimes de la traite chaque année, dans toutes les régions et dans la plupart des pays du monde.
Ces personnes peuvent être victimes de la traite au sein d’un pays ou à l’échelle
internationale pour diverses fins, y compris le travail forcé et l’exploitation par le travail
dans des usines, des fermes et chez des particuliers ; l’exploitation sexuelle ; le mariage
forcé et le prélèvement d’organes.
En raison de sa nature clandestine, la traite est difficilement quantifiable. Selon
les estimations mondiales de la fondation Walk Free et de l’OIT, 25 millions de
personnes étaient soumises au travail forcé et à l’exploitation sexuelle dans le monde
en 2016.
Le rapport mondial 2016 de l’ONUDC sur l’identification des victimes montre que
51 % des victimes sont des femmes, 21 % des hommes, 20 % des filles et 8 % des
garçons. Parmi ces personnes, 45 % ont été victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle et 38 % de travail forcé. Ces dernières années, la traite a également prospéré parmi les populations vivant dans des situations de conflit ou fuyant ces dernières.
Quels pourraient être les facteurs de la traite des êtres humains ?
Les informations sur les facteurs favorisant la traite des personnes restent incomplètes.
Toutefois, il est largement reconnu que certains facteurs rendent une personne, un
groupe social ou une communauté plus vulnérable à la traite et à l’exploitation qui lui
est associée.
La discrimination et le déni des droits économiques et sociaux sont par ailleurs des
facteurs déterminants pour rendre certaines personnes plus vulnérables que d’autres. En effet, la discrimination et la pauvreté ont pour effet de diminuer les choix de vie et de les rendre plus médiocres. Ils peuvent aussi amener certaines personnes à prendre des risques et des décisions qu’elles n’auraient jamais prises si leurs besoins fondamentaux avaient été satisfaits.
Ce manque de choix véritable peut augmenter la vulnérabilité de certains groupes à la
traite, comme les minorités, les migrants et les femmes et les filles.
Outre la privation économique et les inégalités, l’égalité des genres et la discrimination fondée sur la race sont des facteurs importants qui peuvent limiter les choix de vie et rendre certaines personnes et communautés plus vulnérables à la traite.
Quelles sont les formes de traites de personnes ?
Il existe de nombreuses formes de traite, mais l’abus de la vulnérabilité inhérente des
victimes est l’un des facteurs constants.
Il y en existe cinq formes :
- Traite aux fins du travail forcé
- Traite aux fins d’activités criminelles forcées
- Traite des femmes aux fins de l’exploitation sexuelle
- Traite aux fins du prélèvement d’organes
- Trafic de migrants
Traite aux fins du travail forcé
Les victimes de cette forme très répandue de traite proviennent essentiellement des pays en développement. Elles sont recrutées et deviennent victimes des trafiquants après usage de la tromperie et de la coercition et elles sont maintenues dans des conditions d’esclavage pour effectuer un certain nombre de métiers.
Les victimes peuvent être forcées de travailler dans les champs, dans les mines, dans
les installations de pêche, dans la construction, d’occuper des emplois domestiques ou
d’exercer d’autres métiers gourmands en main-d’œuvre.
Traite aux fins d’activités criminelles forcées
Cette forme de traite permet aux réseaux criminels de tirer profit d’une variété
d’activités illicites sans encourir de risques. Les victimes sont forcées d’entreprendre
des activités illégales génératrices de revenus.
Ces activités incluent le vol, la culture de drogues, la vente de marchandises de
contrefaçon ou la mendicité forcée. Les victimes doivent souvent réaliser des quotas et
elles sont sévèrement punies si elles ne les réalisent pas.
Traite des femmes aux fins de l’exploitation sexuelle
Cette forme de traite répandue affecte tous les pays du monde, qui peuvent être des pays d’origine, de transit ou de destination. Les femmes et les enfants des pays en
développement ou issus de populations vulnérables des pays développés, sont incités
par des promesses d’emploi décent à quitter leur foyer et à se rendre dans le pays ou la région où les attendrait une vie meilleure.
Les victimes se voient souvent remettre de faux documents de voyage et un réseau
organisé prend en charge leur transport jusqu’au pays de destination, où elles
deviennent des esclaves sexuelles et sont détenues dans des conditions inhumaines et
la terreur constante.
Traite aux fins du prélèvement d’organes
Les listes d’attente pour les transplantations sont très longues dans de nombreux pays, et les malfaiteurs ont sauté sur cette occasion pour exploiter le désespoir des patients et les donneurs potentiels. La santé des victimes, voire leur vie, est mise en danger lors des opérations qui peuvent être réalisées dans des conditions clandestines sans aucun suivi médical.
Le vieillissement de la population et l’incidence accrue du diabète dans de nombreux
pays développés risquent fort d’alourdir la demande de transplantations d’organes et de rendre cette infraction encore plus lucrative.
Trafic de migrants
Le problème du trafic de migrants est étroitement lié à la traite d’êtres humains, puisque de nombreux migrants risquent de devenir victimes du travail forcé au cours de leur voyage. Les passeurs risquent de les forcer à travailler dans des conditions inhumaines pour payer leur passage illégal à travers les frontières.
Quelles sont les mesures mises en œuvre pour lutter contre la traite des personnes ?
Les mesures de protection des personnes ont été mises en œuvre par les nations unies. L’une des plus importantes est la convention de Palerme dont la cote d’ivoire est signataire.
La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale signée en 2000,
a été ratifiée par la côte d’ivoire en le 25 octobre 2012
Cette convention représente « une avancée majeure dans la lutte contre la criminalité
transnationale et indique que les Etats membres reconnaissent la gravité des problèmes
qui en découlent ainsi que la nécessité de créer et renforcer une coopération
internationale afin d’appréhender ces problématiques. »
Egalement, cette convention précise que « les Etats qui ratifient cet instrument
s’engagent à prendre une série de mesure contre la criminalité organisée , notamment
de reconnaitre certains délits en tant qu’infraction pénale ( participation un groupe
criminel organisé, blanchiment d’argent , corruption, entrave à la justice) ; d’adopter
des cadres différents en matière d’extradition , d’entraide mutuelle , de coopération
policière ; de promouvoir la formation et l’assistance technique afin de construire et
d’améliorer la capacité des autorités nationales . »
Par ailleurs, Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la
criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des
personnes, en particulier des femmes et des enfants adopté par la résolution 55/25 de
l’assemblée générale des nations unies est entrée en vigueur le 25 décembres 2003.
Il a l’avantage de définir de manière consensuelle la traite des êtres humains et de fait
« faciliter la convergences des approches nationales pour établir des infractions
internationales qui permettraient une coopération efficace dans la poursuite de traite
des personnes. »
Au plan national, la Côte d’Ivoire garantit par sa constitution la protection des
individus. Les lois civiles également contribuent à protéger la vie des personnes. La
ratification des traités internationaux comme la convention précitée et la convention
contre la torture montre la volonté de l’Etat ivoirien de lutter par un ordonnancement
juridique contre la traite des personnes. Il faut noter également l’existence des lois
pénales qui sanctionnent les atteintes à l’intégrité physique et la dignité humaine et
celles qui permettent de surveiller l’accroissement illicite des gains comme la loi
relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux. D’ailleurs, une direction de la traite des personnes a été instituée depuis peu au ministère de la solidarité contribue à la lutte contre la traite des personnes au plan national afin de mener activement la lutte contre cette infraction, violation et atteintes aux droits humains.
Bien qu’il existe ces mesures, il semble en dépit de tout impossible de nier la
persistance de ce fléau dégradant. Les cas de disparition sans suite demeurent légion.
Des personnes utilisent des voies illégales pour aller sous d’autres cieux et se placent
ainsi à la merci de potentielles trafiquants.
L’existence d’un corpus juridique adéquat peut permettre d’atteindre l’objectif de
mettre fin à la traite personne. Toutefois, cela suppose une symbiose d’action de l’Etat
et des populations.
ANNEXE
Sources :
- Global estimates of modern slavery forced larbour
- Convention des Nations Unies contre la criminalité transna- Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies ctransnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punipersonnes, en particulier des femmes et des enfants
- Convention contre la torture
- Le rapport mondial 2016 de l’ONUDC
- La constitution ivoirienne
- Code pénal ivoirien
- Loi relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux