Louis François Sosthène de La Rochefoucauld[1], écrivait, en 1861, dans le livre des Pensées, que « l’enfant est une tige fragile qui a besoin d’appui ».Cetauteur, à travers cette pensée, met en exergue la vulnérabilité de l’enfant. Cette fragilité physique, morale, émotionnelle et psychologique qui caractérise l’enfant fait naître chez les autres, en tout cas chez les adultes, une once d’empathie naturelle à son égard. En effet, parce qu’il est naturellement fragile, l’enfant, en toutes matières, en tout temps et dans toutes les aires géographiques, a toujours bénéficié d’une protection particulière. Ce traitement spécial dont jouit ce dernier vise principalement à l’éloigner des pratiques sociales périlleuses, et toutes les fois où il est confronté à de telles pratiques, à restaurer son intégrité.
En matière pénale, et toutes les fois où l’enfant est impliqué dans la commission d’une infraction, en tant qu’acteur actif, ce dernier jouit également d’un régime protecteur particulier, distinct de celui applicable aux adultes. Mais, le mineur victime parfois d’actes répréhensibles, bénéficie également d’un régime particulier de protection. Que renferme le terme « enfant » ?
Si dans les autres matières, le vocable « enfant », en français ou « infans », en latin, semble désigner la personne qui n’est ni adolescente ni adulte, en matière pénale, cette expression ne correspond à aucune réalité juridique, sauf à l’assimiler maladroitement au vocable « mineur ». Ainsi, depuis toujours, en matière pénale, le mineur, c’est-à-dire, génériquement, celui qui n’a pas encore atteint la majorité (étant entendu que la notion de majorité, elle-même, varie selon les époques, les aires géographiques et les systèmes de droit) a toujours bénéficié d’un régime dérogatoire.
Déjà, dès l’époque romaine, différentes catégories de mineurs pénaux ont été établies. Le Droit romain fractionnait même les seuils de la minorité en différentes périodes[2]. Ainsi, ce droit scindait-il les mineurs en deux grandes catégories : les pubères et les impubères. Les impubères, impropres à la procréation, étaient eux-mêmes composés de trois sous-catégories : les infans, l’admodum impubes et les proximus pubertati[3]. L’infans[4], et l’admodum impubes[5] étaient considérés comme pénalement irresponsables alors que le proximus pubertati[6] était soumis au droit répressif [7].
Le Droit des royaumes barbares apparu suite aux grandes invasions dans les royaumes dits « barbares » qui se sont constitués dans l’Occident chrétien, considérait le mineur comme, « celui qui n’est pas en état de porter les armes », formulefloue, qui ne permettait pas de déterminer avec exactitude le seuil à compter duquel la responsabilité pénale du mineur pouvait être retenue.
En France, le droit de l’enfance délinquante a connu un long périple. Sans évoquer les lois des 25 juin 1824 et 28 avril 1832[8] et la circulaire du 31 mai 1898[9], l’élaboration de la véritable législation relative à l’enfance délinquante a débuté avec la loi du 22 juillet 1922[10]. Cette loi a fixé l’âge de la responsabilité pénale à 13 ans. En dessous de cet âge, le mineur était considéré comme pénalement irresponsable. Les mineurs de 13 à 18 ans, lorsque leur responsabilité pénale était retenue, bénéficiaient d’un traitement particulier. La loi vichyste du 27 juillet 1942 a pour sa part supprimé le seuil d’âge de 13 ans en dessous duquel le mineur était considéré comme pénalement irresponsable, de sorte que sous l’empire de cette loi, tout mineur pouvait être poursuivi et condamné[11]. Mais, c’est véritablement avec l’ordonnance du 02 février 1945[12] que la France va poser les solides jalons d’une réelle législation applicable à l’enfance délinquante. Cette ordonnance adoptée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale est essentiellement guidée par le principe de « la primauté de l’éducation sur la répression ».Ce principe qui a inspiré le droit pénal de forme et de fond applicable au mineur délinquant, a eu pour conséquence, entre autres, la fixation de l’âge de la minorité pénale, l’institution des juridictions d’instruction et de jugement spécifiques au mineur, la détermination des modes de poursuite insusceptibles d’être retenus à l’encontre du mineur, la détermination des mesures d’assistance éducative applicables au mineur et l’institution du régime de la liberté surveillée.
Aujourd’hui, tous les pays du globe ont légiféré dans le domaine de la justice juvénile, avec parfois des conceptions opposées. Tandis que certains États sont favorables à la protection du mineur, au motif que le comportement délinquant de ce dernier est lié de manière évidente à une situation sociale, économique ou familiale défavorable, d’autres pays estiment par contre que le mineur délinquant est responsable de ses actes et doit, de ce fait, en assumer les conséquences[13].
En Côte d’Ivoire, spécifiquement, dès l’accession à l’indépendance, la tendance du législateur a nettement été en faveur de la Justice protection au profit du mineur délinquant. Cette tendance a été confirmée dans la loi n°60-366 du 14 novembre 1960 portant Code de procédure pénale. Dans cette loi, le Législateur ivoirien, soucieux de protéger le mineur délinquant, en raison de sa fragilité, a entériné le principe de « la primauté de l’éducation sur la répression », en reprenant en grande partie, dans le Titre 10 de ladite loi, titre intitulé “De l’enfance délinquante”, les termes de l’ordonnance française n°45-174 du 02 février 1945 relative à l’enfance délinquante. Ainsi, l’article 756 dudit Code disposait que « Les mineurs de dix-huit ans auxquels est imputée une infraction qualifiée crime ou délit ne sont pas déférés aux juridictions pénales de droit commun et ne sont justiciables que des Tribunaux pour enfants ou de la Cour d’assises des mineurs. »En application de cet article, le législateur ivoirien va édicter un ensemble de règles, contenues dans 52 autres articles, décrivant la procédure à suivre à l’encontre d’un mineur à qui est imputée une infraction à la loi pénale, avec pour principal objectif de parvenir à la connaissance de sa personnalité, ainsi que des moyens appropriés à sa rééducation.
Conséquemment, sous l’empire de la loi susvisée, le mineur, considéré comme l’individu n’ayant pas encore atteint l’âge de 18 ans, ne pouvait être poursuivi suivant la procédure de flagrant délit ou de citation directe, deux procédures parfois considérées comme expéditives, en tout cas comparées à l’information judiciaire, unique voie de poursuite pouvant être utilisée par le Ministère public.
Le Juge des enfants, juridiction d’instruction des mineurs, lorsqu’il était saisi, était investi de larges pouvoirs et devait de ce fait effectuer toutes diligences et investigations utiles, sans toutefois pouvoir placer le mineur âgé de 13 ans en détention préventive, sauf en matière criminelle, et suivant une ordonnance motivée. En outre, lorsque le mineur de 13 ans était renvoyé devant le Tribunal pour enfants, cette juridiction ne pouvait, en cas de culpabilité, et par décision motivée, prononcer que des mesures d’assistance éducative. Même lorsqu’il était âgé de plus de 13 ans, le Tribunal ne pouvait que prononcer de telles mesures, même si le prononcé d’une condamnation pénale, dans les conditions prévues à l’article 757 de la loi susvisée, n’était pas exclu. Toutefois, si l’infraction commise par le mineur âgé de plus de 13 ans était un délit, la peine qui pouvait être prononcée contre lui ne pouvait s’élever au-dessus de la moitié de celle à laquelle il aurait été condamné s’il avait eu 18 ans. S’agissant de la Cour d’Assises des Mineurs, elle n’était compétente que pour juger des crimes commis par les mineurs âgés d’au moins 16 ans. Lorsque le mineur était âgé de moins de 16 ans, même si la prévention retenue à son encontre était criminelle, il revenait au Tribunal pour Enfants de le juger.
Dans le sillage de la loi n°60-366 du 14 novembre 1960, celle n° 81-640 du 31 juillet 1981 instituant le Code pénal, va confirmer la tendance du législateur en faveur de la protection du mineur délinquant. Aux termes de l’article 14 de ladite loi, était considéré comme mineur, la personne âgée de moins de 18 ans lors de la commission de l’infraction. Ce même texte précisait que les mineurs de 10, 13 et 16 ans sont ceux qui n’avaient pas atteint ces âges lors de la commission de l’infraction. Mieux, ladite loi va déterminer les différents seuils de la responsabilité pénale, dans son article 116, qui disposait que « Les faits commis par un mineur de 10 ans ne sont pas susceptibles de qualification et de poursuites pénales. Le mineur de 13 ans bénéficie de droit, en cas de culpabilité, de l’excuse absolutoire de minorité. Les mineurs de 10 à 13 ans ne peuvent faire l’objet que des mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation prévues par la loi. L’excuse atténuante ou absolutoire de minorité bénéficie aux mineurs de 16 à 18 ans dans les conditions prévues par le Code de Procédure pénale. En matière de crime et délit, l’excuse atténuante de minorité produit les effets prévus par l’article 114 du présent Code. En matière de contravention, elle exclut toute peine privative de liberté et permet au juge de ne prononcer qu’une admonestation ».
Ce texte établissait clairement la volonté du Législateur ivoirien de faire primer la resocialisation du mineur délinquant sur sa répression.
Ce sont ces règles en apparence protectrices, tant dans le droit procédural que dans le droit pénal de fond, qui vont s’appliquer durant plusieurs décennies à la situation du mineur délinquant, jusqu’à ce qu’elles démontrent, aujourd’hui, dans certaines circonstances, leur inefficacité ou leur inadaptation aux contingences sociales actuelles et aux nouvelles formes de criminalité juvénile (le phénomène des enfants en conflit avec la loi).
Le législateur ivoirien, conscient de l’inadaptation de ces règles, et toujours dans le souci de préserver les droits des personnes poursuivies et dans l’optique de conformer les anciens textes aux standards internationaux, va adopter un nouveau Code de procédure pénale, ainsi qu’un nouveau Code pénal, matérialisés par les lois n°2018-975 du 27 décembre 2018 et n°2019-574 du 26 juin 2019.
De ces deux lois, celle qui va le plus se pencher sur la situation du mineur délinquant est sans conteste la loi n°2018-975 du 27 décembre 2018 portant Code de procédure pénale. Cette nouvelle loi va consacrer son Titre VIII, c’est-à-dire ses articles 783 à 851, au mineur, qu’il soit victime ou auteur d’une infraction à la loi pénale.
S’agissant spécifiquement du mineur délinquant, la loi susvisée, va, dans le sillage de l’ancien Code de procédure pénale (ancien CPP) et de l’ordonnance n°45-174 du 02 février 1945, édicter à son profit, un régime dérogatoire, fondamentalement distinct de celui applicable aux majeurs délinquants. Ce régime particulier est ainsi résumé à l’article 794 qui dispose que « Le mineur de dix-huit ans auquel est imputée une infraction n’est pas déféré aux juridictions pénales de droit commun et n’est justiciable que du juge des enfants des tribunaux pour enfants ou du tribunal criminel pour mineurs. ».
Ainsi, ce travail, sans prétendre à l’exhaustivité, a pour objectif de présenter le contenu de ce nouveau régime applicable au mineur délinquant, de la phase des poursuites (I), à celle du jugement (III), en passant par la phase d’instruction (II). Les voies de recours contre les décisions rendues par les juridictions des mineurs seront également évoquées (IV).
- LA PHASE DES POURSUITES
Seront successivement évoqués dans cette première partie les différents seuils d’âge en matière de minorité pénale (A), l’enquête policière suivie contre le mineur (B), l’épineuse question de la garde à vue (C), le classement sans suite (D) et la décision du Procureur de la République d’engager des poursuites contre le mineur (E).
- Les différents seuils d’âge en matière de minorité pénale
À l’instar de l’ancien Code pénal, le nouveau Code institué par la loi n° 2019-574 du 26 juin 2019, fixe clairement l’âge de la minorité pénale et énonce avec précision les différents seuils d’âge à partir desquels le mineur doit ou non répondre de ses actes délictueux.
En effet, l’article 18 du Code pénal indique qu’est mineur, toute personne âgée de moins de 18 ans lors de la commission de l’infraction. Il ressort de ce texte que le mineur, en matière pénale, est la personne physique de l’un ou de l’autre sexe n’ayant pas encore atteint l’âge de 18 ans, au moment de la commission des faits. Ainsi, dès 18 ans révolus, l’on ne peut se prévaloir de la qualité de mineur au sens pénal de son acception.
Par ailleurs, l’article 18 précité fait des précisions sur les mineurs de 10, 13 et 16 ans. Selon ce texte, ces mineurs sont ceux qui en réalité n’ont pas atteint ces âges lors de la commission de l’infraction. Ainsi, lorsque le Code pénal traite du mineur de 10 ans, il fait en réalité allusion à l’individu qui n’a pas encore atteint cet âge, et qui a de ce fait moins de 10 ans révolus. Il en est de même de ceux ayant 13 et 16 ans, qui en réalité ont moins de 13 et 16 ans.
L’intérêt de cette précision réside certainement dans l’article 113 du Code pénal qui énonce que : « Les faits commis par un mineur de dix ans ne sont pas susceptibles de qualification et de poursuites pénales. Le mineur de treize ans bénéficie de droit, en cas de culpabilité, de l’excuse absolutoire de minorité. Les mineurs de dix à treize ans ne peuvent faire l’objet que des mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation prévues par la loi. Les mineurs de seize à dix-huit ans bénéficient de l’excuse atténuante de minorité. En matière de crime et délit, l’excuse atténuante de minorité entraîne l’application de la moitié des peines prévues par l’article 112. En matière de contravention, elle exclut toute peine privative de liberté. Le juge ne peut prononcer qu’une peine de travail d’intérêt général ou une admonestation. »
Il s’ensuit que le mineur qui n’a pas encore atteint l’âge de 10 ans révolus ne peut faire l’objet d’aucune poursuite pénale, en ce que les faits par lui commis, peu importe leur gravité, ne peuvent recevoir de qualification pénale. Cela s’explique par le fait que seule la personne physique responsable de ses actes, car apte à comprendre et à vouloir, est soumise à la loi pénale[14]. Or, naturellement, l’enfant qui n’a pas encore atteint l’âge de 10 ans n’est pas suffisamment mature pour comprendre la teneur ou la portée de ses actes.
Contrairement à la première catégorie évoquée, les mineurs ayant 10 ans révolus, mais qui n’ont pas encore atteint l’âge de 13 ans, engagent leur responsabilité pénale, car, bénéficiant de l’excuse absolutoire de minorité, ceux-ci n’encourent, en guise de sanction, si leur culpabilité est établie, que des mesures de protection et d’assistance.
Quant à ceux qui ont moins de 16 ans et ceux qui ont plus de 16 ans, mais n’ayant pas atteint l’âge de 18 ans, ils bénéficient de droit de l’excuse atténuante de minorité. Pour cela, ceux-ci n’encourent que la moitié de la peine prévue pour l’infraction commise, dans les conditions prévues par l’article 112 du Code pénal.
Le CPP institué par la loi n°2018-975 du 27 décembre 2018, selon la phase de la procédure et des mesures encourues, établit des distinctions entre les différentes catégories de mineurs. Ces distinctions seront évoquées dans les prochaines sous-parties consacrées à l’instruction et au jugement.
L’article 799 du CPP précise que l’âge du mineur est déterminé par la production des pièces d’état civil, les jugements en tenant lieu ou tous autres documents corroborés par une expertise médicale. En cas de contrariété, la juridiction saisie apprécie souverainement l’âge du délinquant. Si l’acte d’état civil ne précise que l’année de la naissance, celle-ci sera considérée comme étant intervenue le 31 décembre de ladite année. Si le mois est précisé, elle sera considérée comme étant intervenue le dernier jour dudit mois.
Les différents seuils d’âges à partir desquels le mineur peut ou non engager sa responsabilité pénale étant connus, il convient d’aborder à présent la question des poursuites à proprement parler, celles-ci débutant inévitablement, et dans la plupart des cas, par la phase de l’enquête policière.
- L’enquête policière
Si juridiquement rien n’interdit au Procureur de la République d’engager des poursuites dès réception d’une plainte ou d’une dénonciation, en pratique, ce dernier, pour prendre sa décision, s’appuie dans la plupart des cas sur les résultats des investigations menées par les officiers de police judiciaire (OPJ), lesquels ont l’obligation de lui transmettre les procès-verbaux d’enquête par eux dressés. Ainsi, l’enquête policière se présente comme une phase importante de la procédure pénale, pouvant même à certains égards, s’analyser comme le début des poursuites pénales, lato sensu.
Les termes généraux dans lesquels sont rédigés les articles 60 à 95 du CPP, dispositions traitant de l’enquête policière (enquête préliminaire et enquête de flagrance), laissent légitimement supposer que cette phase de la procédure concerne également le mineur, en tout cas ceux qui ont au moins 10 ans, étant entendu que ceux en dessous de cet âge ne peuvent faire l’objet de poursuites pénales, peu importe la gravité des faits par eux commis.
Dès lors, les OPJ, d’office, après avoir informé le Procureur de la République, ou sur instructions de ce Magistrat, toutes les fois où existent à l’encontre d’un mineur âgé de 10 ans au moins des indices graves et concordants de participation à une infraction, peuvent ouvrir une enquête contre ce dernier.
Les OPJ pourront, également, ouvrir une enquête contre le mineur d’au moins 10 ans, dans l’une des hypothèses prévues à l’article 77 du CPP, en cas de crime ou délit flagrant.
Au cours de l’une de ces enquêtes, préliminaire ou de flagrance, les OPJ pourront, pour la manifestation de la vérité, réaliser plusieurs actes d’investigation, concernant le mineur âgé d’au moins 10 ans, à qui est imputée une infraction. Il s’agit notamment des convocations, des interrogatoires, des constatations techniques ou scientifiques, des prélèvements, des perquisitions effectuées au domicile où réside le mineur ou en tous autres lieux susceptibles d’abriter des indices. Le mineur mis en cause, dans certaines conditions, peut également être placé en garde à vue. Mais cette mesure faisant l’objet d’une réglementation spéciale, elle fera l’objet d’un traitement spécifique, dans une sous-partie qui lui sera entièrement consacrée.
S’agissant de l’interrogatoire du mineur mis en cause, il convient de relever que, même si aucune disposition spéciale n’est consacrée à ce dernier au chapitre de l’enquête policière, le mineur délinquant âgé d’au moins 10 ans, par analogie à ce qui est consacré au cours de l’instruction faite par le Juge des Enfants, ne peut être interrogé par l’ OPJ qu’en présence de son représentant légal (parents, tuteur ou gardien), d’un défenseur ou d’un éducateur de la protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse.
En ce qui concerne les prélèvements nécessaires à la réalisation d’examens techniques et scientifiques, ainsi qu’aux opérations de relevés signalétiques ou de photographies, aucune disposition du CPP, en tout cas en apparence, ne semble les interdire, même lorsqu’il s’agit de mineurs délinquants. Lorsque ceux-ci sont nécessaires à la manifestation de la vérité, l’OPJ ne peut les réaliser que dans les conditions prévues à l’article 66 du CPP, notamment avec le consentement du mineur concerné, et en cas de refus, avec l’autorisation du Procureur de la République. Cela constitue une avancée notable, d’autant que l’ancien CPP ne s’était pas prononcé sur la question des prélèvements.
Quant aux perquisitions, visites domiciliaires, saisies et constatations techniques ou scientifiques, elles doivent se dérouler dans le strict respect des articles 64, 67 et 68 du CPP.
Tous ces actes de police doivent être constatés par des procès-verbaux, rédigés dans les conditions prévues par l’article 31 du CPP et transmis au Procureur de la République.
- La garde à vue du mineur délinquant
Il convient de faire remarquer que contrairement à l’ancien CPP, qui n’avait consacré aucune disposition à la garde à vue du mineur, toute chose qui légitimait l’application des dispositions de droit commun, le nouveau CPP prévoit un régime spécifique applicable à la garde à vue du mineur délinquant.
Dans le nouveau CPP, contrairement aux autres actes d’enquête de police, la garde à vue, en ce qui concerne le mineur délinquant, fait l’objet d’une réglementation spéciale. En effet, parce qu’ils sont mineurs, et naturellement fragiles, même si parfois la gravité des faits commis par ceux-ci peut laisser subsister de sérieux doutes quant à la réalité de leur vulnérabilité, le législateur n’a pas voulu soumettre les mineurs aux mêmes conditions que les majeurs, lorsqu’il est nécessaire de les placer en garde vue, pour les nécessités de l’enquête.
À ce titre, l’article 790 du CPP dispose que « Aucune mesure de garde à vue prévue par les articles 71 et suivants ne peut être prise à l’encontre d’un mineur âgé de moins de treize ans. Aucune mesure de garde à vue prévue par les articles 71 et suivants ne peut être prise à l’encontre d’un mineur âgé d’au moins treize ans sans l’autorisation préalable du Procureur de la République. Lorsqu’une mesure de garde à vue est appliquée à un mineur âgé d’au moins treize ans, avis en est immédiatement donné aux titulaires de l’autorité parentale. Le mineur gardé à vue peut être assisté d’un avocat. Lorsqu’il n’en a pas, le mineur est assisté d’un parent ou d’un éducateur de la protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse ».
Plusieurs constats presque naturels, sinon juridiques, méritent d’être faits, à la lecture du texte susvisé.
Premièrement, aucune mesure de garde à vue ne peut être ordonnée à l’encontre d’un mineur âgé de moins de 13 ans. Ainsi, seuls les mineurs âgés d’au moins 13 ans peuvent faire l’objet d’une mesure de garde à vue.
Deuxièmement, si le mineur âgé d’au moins 13 ans peut être placé en garde à vue, cette mesure ne peut être prise par l’OPJ qu’avec l’autorisation préalable du Procureur de la République. Il s’ensuit que contrairement aux majeurs, qui peuvent être placés en garde à vue d’office par l’officier enquêteur, celui-ci devant informer le Procureur de la République dès le début de cette mesure, s’agissant des mineurs âgés d’au moins 13 ans, l’autorisation du Procureur de la République doit être obtenue préalablement à la prise de ladite mesure.
Troisièmement, la mesure de placement en garde à vue prise contre le mineur doit immédiatement être notifiée à ceux exerçant les droits de l’autorité parentale sur le mineur concerné ( ses père et mère ou son tuteur).
Quatrièmement, le mineur peut être assisté d’un avocat, et l’est obligatoirement par un parent ou un éducateur de la protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse, lorsqu’il n’a pas d’avocat.Quid de la durée de la garde à vue ?
Sous l’empire de l’ancien CPP, aucune disposition n’était consacrée à la garde à vue du mineur, de sorte que c’était le délai de droit commun qui s’appliquait à ce dernier, à savoir 48 heures, en application de l’article 63 de l’ancien CPP. Aujourd’hui, le délai initial de garde vue du mineur, ainsi que celui de la prolongation sont déterminés par l’article 791 du CPP. Cet article dispose, en effet, que « La garde à vue d’un mineur ne peut être prolongée au-delà du délai de vingt-quatre heures, sauf en matière criminelle. En ce cas l’autorisation de prolongation est délivrée par tout moyen écrit ou verbal par le Procureur de la République. Un examen médical du mineur est obligatoire en cas de prolongation de la mesure de garde à vue. »Il résulte de l’interprétation de ce texte que si pour les nécessités de l’enquête, l’OPJ est amené à garder à sa disposition un ou plusieurs mineurs d’au moins 13 ans contre lesquels existent des indices graves et concordants de participation à une infraction, il ne peut les retenir pendant plus de 24 heures.
Selon l’article susvisé, ce délai ne peut faire l’objet de prolongation, sauf si les faits reprochés au mineur sont par essence criminels[15]. En une telle occurrence, l’analyse du même article 791 laisse comprendre que le délai de prolongation est également de 24 heures. Il convient de préciser que la prolongation doit nécessairement être autorisée par le Procureur de la République, par tout moyen écrit ou verbal. En outre, en cas de prolongation de la garde à vue, un examen médical du mineur est obligatoire. Il s’ensuit que l’article 791 susvisé prévoit aussi bien le délai initial de la garde vue que celui de la prolongation de cette mesure restrictive de liberté.
Cependant, cette acception simpliste et apparemment évidente de l’article 791 du CPP n’est pas partagée par tous les juristes. Pour certains, cette disposition ne traite que de la prolongation de la garde à vue et en aucun cas du délai initial de la garde à vue. Selon cette frange de praticiens, cette disposition ne s’étant pas expressément prononcée sur la durée initiale de la garde à vue, il faut, pour déterminer cette durée, se référer aux dispositions des articles 71 et 72 du CPP. Ainsi, selon les tenants de cette thèse, la durée initiale de la garde à vue du mineur correspond à la durée de droit commun, fixée par l’article 72 du CPP, qui dispose que « (…) L’officier de police judiciaire ne peut retenir, les personnes mentionnées à l’article précédent plus de quarante-huit heures ». En résumé, si pour les nécessités de l’enquête, l’OPJ est amené à garder à sa disposition un mineur, il ne peut le retenir pendant plus de 48 heures. Toujours dans la logique de leur thèse, ces derniers soutiennent que la prolongation de la garde à vue ne peut excéder 24 heures, sauf en matière criminelle, de sorte que s’il est reproché des faits délictuels au mineur, l’OPJ, avec l’autorisation du Magistrat susvisé, peut prolonger la garde à vue du mineur, sans pouvoir excéder le délai de 24 heures. S’il s’agit d’un crime, cette prolongation pourra être ordonnée pour une durée supérieure à 24 heures, sans pouvoir excéder 48 heures, le délai maximum de prolongation de droit commun.
Cette thèse, même si elle n’est pas partagée par tous, n’est cependant pas dénuée de sens et peut même, juridiquement, se tenir, surtout au regard d’une analyse combinée des articles 790, 791 et 793 du CPP.
Cette diversité dans l’interprétation de la teneur véritable des dispositions de l’article 791 du CPP découle sûrement d’une mauvaise écriture de ce texte par le législateur. Ainsi, pour faire taire tous ces sons de cloche, qui peuvent semer la confusion dans l’esprit des justiciables et même des praticiens du droit, il convient d’inviter le législateur, à la faveur d’une réforme du CPP, à réécrire l’article 791, en dissociant clairement le délai initial de la garde à vue de celui de la prolongation.
Mais à ce jour, il convient de retenir que la thèse qui doit prévaloir, et cela a même été rappelé par le Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme, est celle fixant le délai de la garde à vue du mineur à 24 heures, avec possibilité d’une prolongation de 24 heures, seulement en matière criminelle.
Ainsi, à l’issue des délais prévus par l’article 791 du CPP, le mineur gardé à vue est, soit déféré devant le Procureur de la République, soit remis en liberté.
Quant à l’heure du début de la garde à vue, elle est fixée, le cas échéant, à l’heure à laquelle le mineur a été appréhendé ou s’est présenté dans les locaux de l’unité de police ou de gendarmerie en réponse à la convocation qui lui a été faite[16].
En outre, l’OPJ a l’obligation de notifier au mineur gardé à vue, en présence de son représentant légal, de son conseil ou d’un éducateur de la protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse, les droits mentionnés à l’article 74 du CPP[17].
Par ailleurs, l’examen médical qui peut être facultatif s’agissant d’un mis en cause majeur placé en garde à vue, est obligatoire en ce qui concerne le mineur, toutes les fois où la mesure de garde à vue est prolongée.
Aussi, si la personne placée en garde à vue se déclare mineure sans pouvoir l’établir, l’OPJ est-il tenu de requérir un médecin afin de déterminer son âge physiologique.
Même si les dispositions spéciales applicables au mineur ne le précisent pas, il n’est pas inutile d’indiquer que la garde à vue ne peut être décidée à l’encontre d’un mineur par l’OPJ que si cette mesure constitue l’unique moyen de parvenir à l’un des objectifs visés à l’article 71 du CPP, notamment, permettre l’exécution des investigations, garantir la présentation du mineur devant le Procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l’enquête ou prévenir la modification par la personne des preuves ou indices matériels.
Enfin, il convient de relever que les dispositions de l’article 75 du CPP sont applicables à la garde à vue du mineur et qu’en tout état de cause, en application de l’article 793 du CPP, le Procureur de la République ou le Procureur général, peut, d’office, ou à la demande de toute personne, faire cesser la mesure de garde à vue si elle a été décidée par l’OPJ au mépris des dispositions des articles 71, 72, 73, 74 et 75 du CPP.
Au terme de la garde à vue, le mis en cause mineur peut être déféré au Parquet, où le Procureur de la République, pour diverses raisons, de droit ou de fait, peut classer la procédure sans suite.
D- Le classement sans suite sous condition
Au terme de l’enquête préliminaire ouverte à l’encontre d’un mineur, les OPJ doivent faire parvenir directement au Procureur de la République, l’original, une copie certifiée conforme des procès-verbaux qu’ils ont dressés, ainsi que tous actes et documents y relatifs. Lorsque le mineur est placé en garde à vue, il est, au terme de cette mesure, déféré devant le Procureur de la République, à qui les procès-verbaux d’enquête sont transmis. Lorsque le mineur ne fait pas l’objet de garde, les procès-verbaux et autres pièces sont transmis au magistrat susvisé sans que le mis en cause ne soit déféré[18].
Lorsque le Procureur de la République reçoit les procès-verbaux ainsi dressés par les officiers enquêteurs, il apprécie la suite à leur donner, en vertu du principe de l’opportunité des poursuites. En application de ce pouvoir général d’appréciation qui lui est reconnu par l’article 51 du CPP, le Procureur de la République, après avoir pris connaissance des procès-verbaux et des faits articulés contre le mineur, prend sa décision. Il peut décider d’engager des poursuites contre le mineur ou décider de classer la procédure sans suite, dans les conditions prévues à l’article susvisé.
Si dans l’ancien CPP, la décision de classement sans suite prise par le Procureur de la République trouvait son fondement dans le pouvoir général d’opportunité des poursuites à lui reconnu par l’ancien article 40, aujourd’hui, le législateur, à côté de ce pouvoir général d’appréciation prévu par l’article 51 du nouveau CPP, a élaboré un régime spécifique de classement sans suite sous condition applicable au mineur auquel est imputée une infraction à la loi pénale. En effet, selon l’article 788 du CPP, « Lorsqu’une infraction est reprochée à un mineur, le Procureur de la République, suivant les circonstances de l’infraction et la personnalité du mineur, peut décider, après avis de la victime, d’un classement sans suite sous condition, en notifiant au mineur des obligations à remplir dans un délai qu’il fixe et qui ne peut être supérieur à six mois. » Au titre des obligations susceptibles d’être mises à la charge du mineur délinquant figurent notamment, l’obligation de s’abstenir de fréquenter certains lieux ou certaines personnes, l’obligation de suivre une scolarité ou un apprentissage professionnel, l’obligation de procéder à la réparation du dommage causé à la victime ou celle de participer à une tentative de réconciliation avec la victime. L’article 788 susvisé n’ayant pas fait de distinction, l’on peut aisément soutenir que ce classement sans suite sous condition peut intervenir, peu importe la nature de l’infraction, qu’il s’agisse d’un crime, d’un délit ou d’une contravention ; les seuls éléments d’appréciation qui s’offrent au Procureur de la République étant les circonstances de l’infraction et la personnalité du mineur délinquant. En outre, le classement sans suite sous condition impose au Procureur de la République l’obtention de l’avis de la victime, et n’est par ailleurs applicable que si le mineur reconnait l’infraction mise à sa charge. Mais étant en réalité sous condition, ce classement sans suite ne devient définitif que lorsque les obligations mises à la charge du mineur sont remplies dans le délai prescrit.
Si le Procureur de la République a le pouvoir de classer sans suite la procédure initiée à l’encontre du mineur infracteur, il peut, et c’est d’ailleurs le cas la plupart des fois, décider de poursuivre le mineur.
- La décision du Procureur de la République d’engager des poursuites contre le mineur
Traditionnellement, il revient exclusivement aux Magistrats du Ministère public d’exercer l’action publique pour l’application de la pénale. À ce titre, il revient au Procureur de la République, en cas de commission d’une infraction par une personne majeure, d’engager des poursuites contre cette dernière, à l’effet de voir les juridictions de jugement prononcer éventuellement une sanction contre celle-ci. Lorsqu’il décide de poursuivre, le Procureur de la République doit choisir le mode de poursuite adéquat. Il peut, en raison de la nature de l’infraction, s’il s’agit notamment d’un délit ou d’une contravention, saisir directement les juridictions de jugement, suivant la procédure de flagrant, de citation directe, d’avertissement, de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou de convocation par OPJ. En matière de crime, le Procureur de la République ne peut que requérir l’ouverture d’une information judiciaire, par la saisine d’un Juge d’instruction ; l’instruction préparatoire étant obligatoire en matière criminelle[19].
Ce pouvoir de poursuite conféré au Procureur de la République vaut également à l’égard du mineur auquel est reprochée une infraction.
Selon l’article 786 du CPP, « Le Procureur de la République est chargé de la poursuite des crimes, délits et contraventions commis par les mineurs de dix-huit ans. Dans le cas d’infraction dont la poursuite est réservée d’après les lois en vigueur, aux Administrations publiques, le Procureur de la République a seul qualité pour exercer la poursuite sur la plainte de l’Administration intéressée ».
Si à l’égard des majeurs, le Procureur de la République, lorsqu’il décide de poursuivre, a la latitude de choisir le mode de poursuite qui lui parait opportun, en fonction des circonstances de la cause, sauf lorsque la loi impose un mode de poursuite, en matière de poursuites engagées contre le mineur délinquant, les pouvoirs du Procureur de la République dans le choix des modalités de la poursuite sont limités par la loi. En effet, aux termes de l’alinéa 1 de l’article 804 du CPP « En cas de crime, de délit ou de contravention commis par un mineur de dix-huit ans, le Procureur de la République en saisit le Juge des enfants. ». Il en résulte que le Procureur de la République, lorsqu’il décide de mettre l’action publique en mouvement suite à une infraction commise par un mineur, ne peut que saisir le Juge des Enfants, le pendant du Juge d’instruction. Ainsi, selon ce texte, le mode de poursuite susceptible d’être retenu à l’encontre du mineur est l’information judiciaire, le Juge des Enfants n’étant en réalité saisi, dans un premier temps, que pour mener les investigations nécessaires pour la manifestation de la vérité.
Mieux, l’alinéa 2 de l’article susvisé interdit expressément au Procureur de la République d’user de la procédure de flagrant délit et de la citation directe à l’égard du mineur. Cette situation s’explique certainement par le fait que ces deux modes de poursuite peuvent, à certains égards, paraitre expéditives, surtout la première, toute chose qui peut être de nature à mettre en péril les droits du mineur poursuivi.
Si les procédures de flagrant délit et de citation directe sont expressément proscrites par la loi, qu’en est-il des autres modes de poursuite tels que l’avertissement ou la convocation par OPJ ? Même si le législateur ne s’est pas expressément prononcé sur leur sort, un passage en revue des énonciations du CPP, conforté en cela par la pratique judiciaire, semble laisser croire que ces deux autres modes de poursuite ne peuvent être utilisés contre le mineur.
Lorsque les faits poursuivis ont été commis par un mineur et plusieurs majeurs, lesquels sont poursuivis en flagrant délit ou par voie de citation directe, le Procureur de la République constitue un dossier spécial concernant le mineur et en saisit le Juge des enfants. Si une information a été ouverte, le juge d’Instruction se dessaisit dans le plus bref délai à l’égard tant du mineur que des inculpés majeurs au profit du Juge des enfants. Lorsque le Procureur de la République décide de ne pas poursuivre les majeurs suivant la procédure de flagrant délit ou par voie de citation directe, il saisit le Juge des enfants pour instruire à l’égard de tous les protagonistes, mineurs et majeurs[20].
Matériellement, la saisine du Juge des Enfants par le Procureur de la République se fait par un réquisitoire introductif. En effet, à l’image du Juge d’instruction qui ne peut s’autosaisir en raison du principe de la séparation des fonctions judiciaires, le Juge des Enfants, conformément aux articles 58 et 97 du CPP, ne peut informer qu’en vertu d’un réquisitoire du Procureur de la République. Ce réquisitoire peut être pris contre personne dénommée ou non dénommée et doit être motivé lorsque le placement du mineur sous garde provisoire ou en détention préventive est sollicité. Cette demande aux fins de placement du mineur en détention préventive doit être justifiée par l’un des objectifs visés à l’article 162 du CPP, et doit satisfaire aux conditions prévues par l’article 162 du même Code. Au titre de la saisine du Juge des Enfants, une question presque légitime se pose. Celui-ci peut être saisi par une plainte avec constitution de partie civile ? Une réponse mitigée s’impose, à l’analyse de certaines dispositions du CPP, notamment les articles 807 et 787 du CPP.
L’article 807 du CPP déclare en son alinéa 2 que le Juge des Enfants procède à une enquête soit par voie officieuse, soit dans les formes prévues par le Chapitre premier du Titre III du livre Premier du présent Code. Or, comme évoqué plus haut, le chapitre premier du Titre III susvisé traite du Juge d’instruction, qui selon les articles 106, 107 et 108, peut outre le réquisitoire du Procureur de la République, être saisi par plainte avec constitution de partie civile par toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit. Si tant est que ce chapitre premier du Titre III s’applique au Juge des Enfants, il en résulte que ce dernier peut également être saisi par une plainte avec constitution de partie civile, toutes les fois où les faits ont été commis par un mineur de 18 ans. Cette analyse n’est pas juridiquement dénué de sens, en ce qu’en permettant à la partie lésée de pouvoir saisir le Juge des enfants par une plainte avec constitution de partie civile, l’on permet à la victime d’une infraction imputée à un mineur de se prémunir contre un éventuel classement sans suite du Procureur de la République, alors surtout qu’en la matière, la victime, en cas de classement sans suite, ne pourrait en aucun cas user de la voie de la citation directe, mode de poursuite insusceptible d’être utilisé contre le mineur. En tout état de cause, le fait pour la victime de pouvoir mettre en mouvement l’action publique contre le mineur suivant une plainte avec constitution de partie civile, ne recèle aucun danger réel pour le mineur, d’autant que le Juge des Enfants, en application de l’article 107 du CPP devra obligatoirement communiquer ladite plainte au Procureur de la République pour que ce dernier prenne ses réquisitions. Le Procureur de la République pourra en tout état de cause, pour des raisons légales, saisir le Juge des Enfants de réquisitions de non informer, sauf que ledit Juge peut passer outre lesdites réquisitions, par ordonnance motivée.
Cependant, les développements précédents qui tendent à faire admettre que le Juge des Enfants puisse être saisi par une plainte avec constitution de partie civile semblent être battus en brèche par les dispositions de l’article 787 alinéa 1 du CPP. Cet article, tel que formulé semble légitimement faire croire que la poursuite des crimes, délits et contraventions commis par les mineurs de 18 ans ne peut être initiée que par le Procureur de la République. Cette analyse est également confortée par le fait qu’aucune des dispositions spécifiques à l’enfance délinquante ne traite de la question de la saisine du Juge des Enfants par le moyen d’une plainte avec constitution civile. Mais, ces constats, quoique pertinents, ne suffisent pas à vider le contenu des développements soutenant la thèse contraire.
Mais, en pratique, en cas de poursuites, lequel des Juges des Enfants doit-être saisi par le Procureur de la République et en quoi consiste l’office de ce Juge ?
La compétence territoriale du Juge des enfants se confondant à celle du tribunal pour enfants, il convient de relever que le Juge des enfants compétent en cas de poursuites initiées à l’encontre d’un mineur, est celui du lieu de commission de l’infraction, de la résidence du mineur ou de ses parents ou tuteur, du lieu où le mineur aura été trouvé ou du lieu où il a été placé soit à titre provisoire soit à titre définitif.
S’agissant de la teneur de l’office du Juge des Enfants, celle-ci est déterminée par l’article 807 du CPP. Selon ce texte « le Juge des enfants effectue toutes diligences et investigations utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et à la connaissance de la personnalité du mineur ainsi que des moyens appropriés à sa rééducation ». À cet effet, il procède à une enquête, soit par voie officieuse, soit dans les formes prévues par le chapitre premier du Titre III du livre premier du CPP. Il convient de préciser que le Chapitre premier du Titre III du Livre premier auquel fait allusion l’article 807 susvisé n’est autre que le chapitre consacré au Juge d’instruction. En des termes plus triviaux, le Juge des Enfants n’est rien d’autre que le Juge d’instruction des mineurs délinquants et doit, de ce fait procéder aux investigations nécessaires en vue de parvenir à la manifestation de la vérité. L’office de ce Magistrat au statut particulier sera amplement décrit dans la partie consacrée à l’instruction.
- LA PHASE D’INSTRUCTION
L’instruction des affaires impliquant des mineurs est marquée par l’intervention du Juge des Enfants (A) et s’il y a lieu, de la Chambre d’instruction (B).
- Le Juge des Enfants
Seront successivement analysés son statut, sa compétence matérielle et territoriale (a), l’inculpation par lui faite (b), les autres actes d’investigation par lui réalisés (c), les mesures restrictives de liberté qu’il peut ordonner (d) et ses décisions (e).
- Statut, compétence ratione materiae et loci du Juge des Enfants
Le Juge des Enfants est par essence un Magistrat du siège. Ce dernier constitue l’exception à la règle de séparation des fonctions judiciaires, qui impose que les fonctions de poursuite, d’instruction et de jugement soient exercées séparément et indépendamment les unes des autres. En vertu de ce principe, le Magistrat qui a poursuivi une affaire ou qui l’a instruite ne peut en principe la juger.
En effet, alors même que son office traditionnel est d’informer dans les causes impliquant un mineur ou un mineur et plusieurs majeurs, le CPP permet au Juge des Enfants, au terme de ses investigations, de juger le mineur en chambre du conseil, ou en tant que Président du Tribunal pour Enfants. Il s’ensuit que le Juge des Enfants, en plus d’être une juridiction d’instruction, est également juridiction de jugement. Cette entorse à la règle de séparation des fonctions judiciaires a été admise dans l’unique but de préserver les intérêts du mineur. Ayant instruit la cause impliquant le mineur, le Juge des enfants est présumé avoir cerné l’environnement social, familial et éducatif du mineur, de sorte qu’il est à même de prendre les mesures appropriées à sa rééducation.
En Côte d’Ivoire, le Juge des Enfants est en principe nommé par décret, compte tenu de ses aptitudes et de l’intérêt qu’il porte aux questions de l’enfance. Mais en pratique, dans certains Tribunaux de Première Instance de l’intérieur du pays et dans la plupart des Sections détachées de Tribunaux, les Juges des Enfants sont nommés par ordonnance du Président du Tribunal.
Comme l’indique l’alinéa 2 de l’article 806 du CPP, les fonctions de Juge des Enfants peuvent être cumulées avec d’autres fonctions judiciaires. C’est ainsi que dans certaines juridictions de l’intérieur, des Juges des Enfants cumulent leurs fonctions avec celles de Juge d’instruction ou de Juge des Tutelles, ou même de Juge dans les différentes formations de jugement.
Si l’article 801 du CPP prévoit que chaque TPI, peut compter un ou plusieurs Juges des enfants, il convient de souligner qu’en pratique, à l’exception du TPI d’Abidjan qui en compte deux, les autres juridictions comptent, très souvent, un seul Juge des Enfants, nommé parfois par ordonnance du Président du tribunal.
En outre, en cas d’empêchement du Juge des Enfants titulaire, par suite de congé, de maladie ou pour toute autre cause, de même qu’en cas de nomination à un autre poste, le Président du tribunal désigne par ordonnance l’un des juges de ce tribunal pour le remplacer.
Au titre de ses attributions, il convient de relever que ce magistrat fait office de juge d’instruction pour les mineurs. À ce titre, saisi par le Procureur de la République, il est chargé d’informer dans les causes concernant les mineurs de 18 ans, ou ceux-ci et des majeurs, en effectuant toutes diligences et investigations utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et à la connaissance de la personnalité du mineur, ainsi que des moyens appropriés à sa rééducation.
S’agissant de la compétence territoriale du Juge des Enfants, celle-ci est déterminée par les articles 802 et 798 du CPP. Ainsi est territorialement compétent, le Juge des Enfants du lieu de commission de l’infraction, de la résidence du mineur ou de ses parents ou tuteur, du lieu où le mineur aura été trouvé ou du lieu où il a été placé soit à titre provisoire soit à titre définitif.
- L’inculpation
Même si le CPP n’a établi aucune chronologie dans la réalisation des actes d’investigation réalisés par le Juge des Enfants, il convient de relever que ce magistrat, en sa qualité de juridiction d’instruction, même s’il est également juridiction de jugement, lorsqu’il est saisi par un réquisitoire du Procureur de la République, entame son office par l’inculpation du mineur auquel est imputée une infraction.
Génériquement, inculper consiste pour le Juge des Enfants, à constater l’identité du mineur concerné par le réquisitoire, notifier à ce dernier les faits infractionnels qui lui sont imputés et à recueillir ses déclarations.
Juridiquement, le contenu de l’inculpation est précisé par l’article 133 du CPP. Suivant cette disposition, qui est applicable au Juge des Enfants, ce Magistrat, lors de la première comparution, constate l’identité du mineur mis en cause, l’informe de son droit de choisir un avocat, lui fait connaître les faits qui lui sont imputés, et l’avertit de son droit de ne faire aucune déclaration. Toutefois, si l’inculpé souhaite faire des déclarations, celles-ci sont immédiatement reçues par le Juge des enfants. Au cours de cette première comparution, le Juge avertit le mineur inculpé qu’il doit l’informer de tous ses changements d’adresse. Ce dernier est invité à faire élection de domicile au lieu du siège de la juridiction s’il n’y est domicilié. Ces actes différents actes sont sanctionnés par un procès-verbal dit procès-verbal d’interrogatoire de première comparution, signé par toutes les parties.
Dès réception de l’acte de poursuite, le Juge des enfants prévient les parents, tuteurs ou gardiens connus du mineur. À défaut de choix d’un défenseur par le mineur ou son représentant légal, le Juge fait désigner par le bâtonnier un défenseur d’office.
Dans les juridictions aux sièges desquels ne résident pas d’avocat, il est désigné un défenseur choisi parmi les personnes présentant toutes les garanties désirables inscrites sur une liste établie par le Président du tribunal sur proposition du Juge des enfants.
En pratique, et cela est même une exigence légale, l’inculpation se fait soit en présence d’un parent du mineur, son représentant légal, son tuteur, son gardien, un éducateur de la protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse ou du conseil choisi par la famille du mineur.
Dans la plupart des cas, et contrairement à ce qui est indiqué à l’article 808 du CPP, le bâtonnier ne désigne presque jamais d’avocat pour assurer la défense du mineur inculpé, alors même que cette exigence légale vise à protéger davantage les droits du mineur. Cette situation peut également s’expliquer par le fait que les Juges des Enfants saisis des procédures ne sollicitent pas le bâtonnier à cette fin.
L’amer constat est que dans les juridictions de l’intérieur du pays et parfois même dans celles d’Abidjan, les mineurs, lorsqu’ils ont été placés en garde à vue pendant l’enquête policière, sont déférés au Parquet hors la présence de leurs représentants légaux. Ces derniers n’étant pas présents lors du déferrement et n’étant parfois pas informés des poursuites, l’inculpation du mineur se fait la plupart du temps en présence d’un éducateur de la protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse. Ce n’est que plus tard, au cours des interrogatoires sur le fond, des confrontations qu’ils sont conviés à assister auxdits actes, toutes les fois où ils n’ont pas constitué un conseil pour assurer sa défense.
Lorsque le mineur est accompagné d’un avocat, d’un parent, d’un tuteur ou de son gardien, les actes prescrits à l’article 133 du CPP sont obligatoirement accomplis en leur présence.
Si le Juge des Enfants entend placer le mineur en détention préventive, mention en est faite dans le procès-verbal.
Le Juge des Enfants étant saisi in rem et non in personam[21], il a donc le pouvoir d’inculper toute personne ayant pris part, comme auteur ou complice, aux faits qui lui sont déférés. Toutefois, lorsque des faits non visés au réquisitoire sont portés à la connaissance de ce Juge, celui-ci communique immédiatement au Procureur de la République les plaintes ou les procès-verbaux qui les constatent. Par ailleurs, à toute époque de la procédure, par réquisitoire supplétif, le Procureur de la République peut requérir du Juge des Enfants tous actes lui paraissant utiles à la manifestation de la vérité[22].
Il convient de noter que tout comme le Juge d’instruction, le Juge des Enfants est obligatoirement assisté dans la réalisation de ses actes par un Greffier, qui établit deux copies des actes réalisés par le Juge des Enfants, ainsi que de toutes les pièces de la procédure. Chaque copie est certifiée conforme à l’original par le greffier. Toutes les pièces du dossier sont cotées et inventoriées par le greffier au fur et à mesure de leur rédaction ou de leur réception par le Juge des Enfants[23]. Traditionnellement, le dossier comprend les six côtes suivantes : la côte forme, la côte enquête préliminaire, la côte information, la côte détention, la côte renseignements et la côte règlement définitif.
Quid des autres actes d’investigation ?
- Les autres actes d’investigation
À compter de l’inculpation du mineur, la procédure est officiellement entamée. Pour parvenir à la manifestation de la vérité et à la connaissance de la personnalité du mineur, ainsi que des moyens appropriés à sa rééducation, le Juge des Enfants effectue toues les diligences et les investigations qui lui paraissent utiles. À ce titre, il procède aux interrogatoires sur le fond, aux confrontations, aux auditions, aux transports, perquisitions et saisies.
Lors de la première comparution, le Juge des Enfants doit s’abstenir de poser au mineur, des questions relatives aux faits poursuivis. Il doit se contenter de constater son identité, lui notifier les faits mis à sa charge et prendre ses déclarations[24]. Ce n’est finalement qu’au cours de l’interrogatoire sur le fond que le Juge peut poser à l’inculpé toutes les interrogations qui lui paraissent utiles, pour parvenir à la manifestation de la vérité et pour déterminer le degré d’implication de ce dernier dans la commission desdits faits. Tout comme pendant l’inculpation, le mineur doit être assisté au cours de son interrogatoire sur le fond par l’un de ses parents, son tuteur, son gardien, un éducateur de la protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse ou son conseil. Cet interrogatoire est également sanctionné par un procès-verbal signé par toutes les parties et dressé dans les conditions fixées à l’article 98 alinéa 2 du CPP.
Lorsque plusieurs mineurs sont poursuivis, ou lorsqu’un seul mineur est poursuivi en même temps que des majeurs soupçonnés d’avoir eux aussi pris part à la commission des faits, le Juge des Enfants peut procéder à une confrontation entre les différents protagonistes. Il peut également réaliser une confrontation entre le mineur inculpé, la victime et les témoins. Tout comme les autres actes, la confrontation doit avoir lieu en présence de l’une des personnes susvisées, en vue d’assister le mineur.
La manifestation de la vérité passe nécessairement, en tout cas dans la plupart des cas, par l’audition des témoins, présents au moment des faits, ou sans l’être, mais détenant des informations à charge et à décharge, susceptibles de conduire à la connaissance des faits et à la personnalité du mineur. Le Juge auditionne également la victime et fait citer devant lui, par un commissaire de Justice, toutes les personnes dont la déposition lui paraît utile. Une copie de cette citation leur est délivrée. Les témoins peuvent aussi être convoqués par lettre simple, par lettre recommandée, par voie administrative ou par un agent de la force publique. Ils peuvent en outre, comparaître volontairement. Dans le cas où la personne comparaît et qu’elle demande à se faire assister d’un avocat, le juge lui impartit un délai tenant compte des nécessités de l’information. Les témoins prêtent serment, à l’exception des enfants de moins de 18 ans. Le témoin cité pour être entendu est tenu de comparaître, de prêter serment et de déposer. S’il refuse, il peut être contraint par le Juge. L’audition des témoins se fait dans les conditions prévues aux articles 122 à 132 du CPP.
Le Juge des Enfants peut se transporter sur les lieux pour y effectuer tous actes d’information qui lui paraissent utiles, effectuer des perquisitions et procéder à des saisies, dans les conditions décrites aux articles 113 à 121 du CPP.
Par ailleurs, s’il est dans l’impossibilité de procéder lui-même à certains actes d’investigation, il peut donner commission rogatoire aux OPJ afin de leur faire exécuter tous les actes d’information nécessaires dans les conditions prévues aux articles 188 et 189.
Dans son office, le Juge des Enfants peut décerner tous mandats utiles en observant les règles du droit commun. Il s’agit notamment des mandats d’amener, de comparution, d’arrêt et de dépôt.
Aux termes de l’article 807 du CPP, le Juge des Enfants recueille par une enquête sociale des renseignements sur la situation matérielle et morale de la famille, sur le caractère et les antécédents du mineur, sur sa fréquentation scolaire, son attitude à l’école, sur les conditions dans lesquelles il a vécu ou a été élevé. En pratique, cette enquête sociale est confiée aux agents de la protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse. Le Juge ordonne un examen médical et peut, lorsque les circonstances l’exigent, ordonner un examen médico-psychologique. Toutefois, il peut, dans l’intérêt du mineur, n’ordonner aucune de ces mesures ou ne prescrire que l’une d’elles. Dans ce cas, il rend une ordonnance motivée.
Tous les actes d’investigation sus énoncés sont matérialisés par des procès-verbaux.
Le Juge des enfants peut en outre, au cours de ses investigations, ordonner des mesures restrictives de liberté contre le mineur inculpé.
- Les mesures restrictives de liberté
Pour garantir la représentation du mineur inculpé aux différents actes de procédure, le Juge des Enfants peut ordonner à son encontre certaines mesures restrictives de liberté. Si la plus souple est la garde provisoire (a), la plus contraignante demeure la détention préventive (b).
- La garde provisoire
La garde provisoire est régie par l’article 808 du CPP. L’alinéa 4 de cette disposition déclare que « le Juge des enfants peut confier provisoirement le mineur, pour une durée de 3 mois, renouvelable : 1°à ses parents, à son tuteur ou à la personne qui en avait la garde, ainsi qu’à une personne digne de confiance ; 2°à un centre d’accueil ; 3°à une section d’accueil d’une institution publique ou privée habilitée à cet effet ; 4°au service de l’assistance à l’enfance ou à un établissement hospitalier ; 5° à un établissement ou à une institution d’éducation de formation professionnelle ou de soins, de l’État ou d’une Administration publique habilitée. »
Juridiquement, la garde provisoire est une mesure consistant pour le Juge des Enfants, à confier temporairement le mineur inculpé à l’une des personnes ou entités susmentionnées, à l’effet d’assurer la garde dudit mineur et sa comparution aux différents actes de procédure.
À certains égards, la garde provisoire peut s’analyser comme une mesure restrictive de liberté, car une fois confié à l’une des structures prévues à l’article 808 du CPP, le mineur inculpé n’est plus totalement libre de ses mouvements et doit au quotidien, en tout cas toutes les fois où il n’est pas convoqué par le Juge, passer ses journées au sein de la structure concernée. Lorsqu’il est confié à ses parents, à son tuteur, à la personne qui en avait la garde ou à une personne digne de confiance, ce gardien doit au quotidien assurer la garde du mineur et prendre sur lui la responsabilité de le faire comparaitre aux actes de procédure. Lorsque le mineur inculpé a été confié à une personne autre que ses parents et alors même que lesdits parents sont en vie et ne sont pas déchus de l’exercice des droits de l’autorité parentale, ceux-ci sont, pendant toute la durée de la garde provisoire, privés de certains droits sur leur enfant. À ce titre, ils ne peuvent le déplacer en un lieu autre que celui où est établi le gardien.
Lorsque l’état physique ou psychologique du mineur justifie une observation approfondie, sa garde provisoire peut être confiée à un centre d’observation institué ou agréé par le Ministre de la Justice. La garde provisoire peut parfois être exercée sous le régime de la liberté surveillée, dans les conditions prévues aux articles 841 à 848 du CPP.
La liberté surveillée qui est une mesure de rééducation du mineur est assurée, sous l’autorité du Juge des enfants, par des éducateurs de la protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse. Dans le cadre de la liberté surveillée, le mineur reste sous la garde de ses parents, de son tuteur ou d’une autre personne digne de confiance, à charge pour le mineur de se conformer à certaines obligations, le tout sous la surveillance d’un éducateur de la protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse désigné par ordonnance du Juge des Enfants. L’éducateur fait un rapport au Juge des enfants en cas de mauvaise conduite, de péril moral du mineur, d’entraves systématiques à l’exercice de la surveillance, ainsi que dans le cas où une modification de placement ou de garde lui paraît utile.
La garde provisoire est ordonnée pour une durée de trois mois renouvelables. Elle peut, dans le délai de trois mois, être modifiée ou révoquée à tout moment. Contrairement à la détention préventive qui ne peut prendre fin, sans communication du dossier au Procureur de la République pour requérir son avis, la garde provisoire peut être modifiée ou révoquée d’office par le Juge des Enfants, sans l’avis du Procureur de la République, qui ne peut en principe s’y opposer. Ainsi, la garde provisoire obéit à un régime moins rigoureux que celui de la détention préventive. Il convient de faire observer que les termes de l’article 808 du CPP laissent légitimement penser que la garde provisoire peut être renouvelée autant de fois que de besoin.
La garde provisoire est ordonnée suivant ordonnance du Juge des Enfants, comme la plupart des décisions de ce Magistrat, qui en plus d’être un enquêteur, est également une juridiction.
Souventes fois, alors même que le Procureur de la République a pris soin de préciser dans son réquisitoire introductif qu’il requiert qu’il soit décerné mandat de dépôt contre le mineur poursuivi, le Juge des Enfants, passant outre cette réquisition, opte pour le placement du mineur sous garde provisoire. Cette décision étant contraire aux réquisitions du Ministère Public, le Juge des Enfants doit préalablement à sa décision de garde provisoire, rendre une ordonnance de refus de placement en détention préventive ; avis de cette ordonnance de refus est donné au Procureur de la République par le greffier, le jour même où elle est rendue. Si le Ministère public peut relever appel de cette ordonnance de refus de placement en détention préventive, il ne peut en pratique exercer cette voie de recours contre l’ordonnance de garde provisoire, celle-ci n’étant pas un titre de détention.
Dans la plupart des cas, lorsque le mineur n’est pas confié à ses parents, à son tuteur ou à une autre personne physique, la garde provisoire s’exécute dans les Centres d’Observation des Mineurs (COM), dans des quartiers spéciaux des mineurs dans les maisons d’arrêt et de correction. En plus des COM[25], certaines structures publiques[26] ou privées[27] accueillent des mineurs placés sous garde provisoire.
À côté de la garde provisoire, le Juge des Enfants, s’il estime que les faits sont suffisamment graves ou s’il s’avère que le mineur représente un dangereux pour la société, peut décider de son placement en détention préventive.
- La détention préventive
La détention préventive du mineur est régie par les articles 809 et 810 du CPP. Selon l’article 809 alinéa 1 « Le mineur âgé de plus de treize ans ne peut être placé provisoirement dans une maison d’arrêt par le juge des enfants, que si cette mesure paraît indispensable ou s’il est impossible de prendre toutes autres dispositions. Dans ce cas, la décision du juge des enfants est prise par ordonnance motivée. Elle ne peut intervenir qu’après rapport du service éducatif près le tribunal chargé de proposer des mesures alternatives à l’incarcération. » Il ressort de ce premier alinéa que seul le mineur âgé de plus de 13 ans peut être placé en détention préventive. Le même alinéa précité précise que le mineur de plus de 13 ans ne peut être placé en détention préventive que si cette mesure parait indispensable et, toutes les fois où la représentation du mineur ne peut être garantie par son placement en garde provisoire. Il revient au Juge des Enfants d’apprécier souverainement la nécessité du placement du mineur inculpé en détention, en se fondant notamment sur les conclusions du rapport réalisé par le service de la protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse. Ce rapport a pour but de proposer des mesures alternatives à l’incarcération du mineur.
Le placement du mineur en détention préventive doit être ordonné par décision motivée du Juge des Enfants, lequel doit indiquer dans son ordonnance les raisons pour lesquelles il estime que les objectifs par lui poursuivis en plaçant le mineur en détention ne peuvent être atteints par son placement sous garde provisoire.
Quid des délais de détention du mineur ?
La réponse à cette interrogation est contenue dans l’alinéa 2 de l’article 809 susvisé. Suivant cet alinéa « Les délais prescrits par les articles 166 et 167 sont applicables aux mineurs ». Ainsi, en application de l’article 166 du CPP, si le mineur est poursuivi pour des faits correctionnels, il ne peut être placé en détention préventive pour une durée excédant 06 mois. Toutefois, par une ordonnance motivée rendue après débat contradictoire au cours duquel le Ministère public et le mineur inculpé ou son avocat sont entendus, le Juge peut prolonger la détention pour une durée qui ne peut excéder 06 mois. En outre, à titre exceptionnel, lorsque les investigations doivent être poursuivies et que la détention préventive de l’inculpé demeure justifiée, la Chambre d’Instruction, saisie par requête du Juge des Enfants peut prolonger la détention préventive du mineur pour une durée qui ne peut excéder 06 mois. Le Juge ne peut saisir la Chambre d’Instruction qu’une seule fois.
Si le mineur est poursuivi pour des faits qualifiés crime, la durée de sa détention, en application de l’article 167 du CPP, ne peut excéder 08 mois. Cette détention peut faire l’objet de prolongation pour la même durée et dans les mêmes conditions que celles décrites à l’article 166 du CPP.
À l’issue des délais prévus par les articles 166 et 167, le mineur est en détention injustifiée et doit être mis en liberté d’office. En cas de détention injustifiée, il incombe au Procureur de la République ou au Procureur général d’ordonner au chef d’établissement pénitentiaire la mise en liberté du mineur. Dans le cas contraire, le mineur, par le canal de son représentant légal ou de son conseil, saisit par voie de requête, le Président de la Chambre d’Instruction, qui ordonne sa liberté d’office. Le Juge des enfants, d’office, à la demande du Ministère public ou de l’inculpé peut ordonner la mise en liberté provisoire du mineur.
Par ailleurs, la détention préventive ordonnée à l’égard du mineur doit préalablement satisfaire aux exigences légales prévues par les articles 162 et 163 du CPP.
D’une part, selon l’article 162, la détention préventive ne peut être ordonnée que si l’inculpé encourt une peine privative de liberté d’au moins 02 ans. Cette condition tenant au quantum de la peine d’emprisonnement encourue par l’inculpé n’est plus exigée lorsque celui-ci est en état de récidive ou s’il a été déjà condamné à une peine privative de liberté sans sursis, quelle qu’en soit la durée. D’autre part, le placement du mineur en détention préventive doit être obligatoirement justifié par la poursuite de l’un des objectifs visés à l’article 163, à savoir : « 1- conserver les preuves ou les indices matériels ; 2- éviter une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ; 3- éviter une concertation frauduleuse entre la personne inculpée et les autres auteurs ou complices ; 4- protéger la personne inculpée ; 5- garantir le maintien de la personne inculpée à la disposition de la justice ; 6- mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvèlement ; 7- faire cesser le trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public provoqué par la gravité de l’infraction, les circonstances de sa commission ou l’importance du préjudice qu’elle a causé. »
En outre, le Procureur de la République lorsqu’il requiert le placement du mineur en détention préventive, doit également se conformer aux exigences prévues par les articles 162 et 163 susvisés.
De plus, lorsqu’il fait l’objet d’un placement en détention préventive, le mineur est incarcéré dans un quartier spécial, à défaut, dans un local spécial. Cette exigence légale vise essentiellement à protéger le mineur, qui peu importe, la nature des faits commis, ne doit pas être placé dans le même environnement carcéral que les majeurs, lesquels pourraient le soumettre à des abus de tous genres.
Quid du placement sous contrôle judiciaire ? En d’autres termes, le Juge des Enfants peut-il placer le mineur inculpé sous contrôle judiciaire ? Une réponse négative s’impose, car les dispositions du CPP n’offrent au Juge des Enfants, en sa qualité de magistrat instructeur spécial, que la garde provisoire et la détention préventive pour garder le mineur sous main de justice pendant son office. En tout état de cause, les objectifs poursuivis par le contrôle judiciaire peuvent être atteints à travers certaines modalités de la garde provisoire, notamment la remise du mineur à ses parents ou à un tuteur.
- Les décisions du Juge des Enfants
Au cours de son office, le Juge des Enfants, guidé par le souci de parvenir à la manifestation de la vérité et à la connaissance de la personnalité du mineur ainsi que des moyens appropriés à sa rééducation, rend diverses décisions, matérialisées par des ordonnances. À titre d’illustration, ce dernier peut rendre une ordonnance de refus de placement en détention préventive, une ordonnance de placement en détention préventive ou de mise en liberté provisoire, une ordonnance de garde provisoire, une ordonnance de modification ou de révocation de la garde provisoire.
Toutefois, cette sous-partie sera plutôt consacrée aux ordonnances rendues par le Juge des enfants au terme de ses investigations, lorsqu’il estime que la procédure est en état. Ces ordonnances qui sont légalement qualifiées d’ordonnances de règlement sont spécifiées à l’article 812 du CPP.
Ainsi, il ressort de ce texte que lorsque les faits visés à la poursuite constituent une contravention, le Juge rend une ordonnance de renvoi du mineur devant le Juge des enfants. En cas de délit, il rend une ordonnance de renvoi soit devant le Juge des Enfants, soit devant le Tribunal pour enfants. Le Juge peut rendre une ordonnance de renvoi devant lui lorsque les faits bien qu’étant délictuels, ne revêtent aucune gravité, en raison des circonstances de commission de l’infraction[28] ou de l’âge du mineur[29]. Il rend une ordonnance de renvoi devant le Tribunal pour enfants, lorsque les faits sont graves[30] ou lorsque le mineur tend vers la majorité pénale.
En cas de crime, s’il s’agit d’un mineur de 16 ans, le Juge rend une ordonnance de renvoi devant le Tribunal pour enfants. S’il s’agit d’un mineur âgé de 16 ans et plus, il ordonne la transmission des pièces au Procureur général. Il s’ensuit qu’en cas de crime, le Juge des enfants ne peut rendre une ordonnance de transmission des pièces au Procureur Général que si le mineur est âgé d’au moins 16 ans. S’il a moins de 16 ans, il ne peut être rendu à son encontre qu’une ordonnance de renvoi devant le Tribunal pour Enfants. Si tous les inculpés, mineurs et majeurs, sont poursuivis pour des faits qualifiés crimes, le Juge des Enfants rend à l’encontre de tous les inculpés, une ordonnance de transmission des pièces au Procureur général.Il peut également rendre une ordonnance de non-lieu à l’encontre du mineur, s’il n’existe pas de charges suffisantes.
Le Juge des Enfants peut, en outre, selon les cas, rendre des ordonnances comportant non-lieu partiel (ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi devant le Juge des Enfants ou ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi devant le Tribunal pour Enfants). Il peut rendre une ordonnance de disjonction et de renvoi devant le Tribunal pour Enfants et devant le Tribunal Correctionnel. Cette ordonnance peut être rendue lorsque le mineur a participé à la commission de l’infraction avec des personnes âgées de plus de 18 ans, lesquelles sont en cas de poursuites correctionnelles, renvoyées devant la juridiction compétente de droit commun. En une telle occurrence, la cause concernant le mineur est disjointe pour être jugée conformément aux dispositions du titre relatif à l’enfance délinquante.
Par ailleurs, si la procédure révèle que l’inculpé était majeur au moment de la commission des faits, le Juge des enfants, après les réquisitions du Ministère public, soit se dessaisit au profit du Juge d’Instruction compétent qui poursuivra l’information entreprise à partir du dernier acte intervenu, soit, si la procédure est terminée, la règle comme il est dit aux articles 209 à 218 du CPP.
Contrairement au Juge d’instruction qui est tenu, au terme de la procédure, de transmettre une copie du dossier au Procureur de la République, qui doit lui adresser ses réquisitions au plus tard dans les 15 jours de sa réception, le Juge des Enfants, une fois ses diligences achevées, apprécie souverainement l’opportunité de cette communication. En effet, la communication du dossier de la procédure au Ministère public, en application de l’article 812 alinéa 1er du CPP demeure une faculté pour le Juge des Enfants. Ainsi, s’il estime que la situation carcérale du mineur nécessite une certaine célérité, il peut passer outre cette communication.
Pour sa part, le Juge d’instruction n’a pas cette faculté ; il est obligé de transmettre le dossier au Procureur de la République avant de rendre son ordonnance de règlement. Il ne peut passer outre les réquisitions du Procureur de la République, qu’à l’expiration d’un délai de 15 jours, qui suit la transmission du dossier au Parquet.
En dehors de la transmission du dossier au Ministère public, d’autres diligences qui sont pourtant obligatoires pour le Juge d’instruction, ne s’imposent pas au Juge des Enfants. En effet, le Juge des Enfants apprécie également, en toute liberté, l’opportunité, au terme de ses diligences, de la communication du dossier à l’inculpé et à la partie civile, ainsi qu’à leurs conseils par l’intermédiaire du greffier.
Cependant, si le Juge des Enfants communique volontairement le dossier au Procureur de la République, il doit se soumettre aux exigences légales prévues à l’article 209 du CPP, notamment celle tenant aux délais. De ce fait, à l’expiration du délai de 15 jours imparti au Procureur de la République ou dès la réception du dossier avant ce délai, il dispose d’un délai de 10 jours pour rendre son ordonnance.
Si le déroulement de la procédure concernant le mineur délinquant est marqué par une présence active du Juge des Enfants, la Chambre d’instruction y jour parfois un rôle indispensable, notamment en cas de recours contre les ordonnances du Juge des Enfants et lorsque les faits visés à la prévention sont criminels, une instruction au second degré étant obligatoire dans ce cas.
- La Chambre d’instruction
La Chambre d’instruction, en tant que juridiction d’instruction de second degré, a, entre autres, pour attributions, de statuer sur les recours formés contre les décisions des juridictions d’instruction de premier degré et, en cas de crime, de faire une seconde instruction du dossier. Dans tous les autres cas, elle contrôle la régularité des procédures. Cette juridiction exerce également ces trois attributions ainsi déclinées lorsque l’inculpé est mineur de 18 ans.
Au titre de la première attribution susvisée, il convient d’indiquer que la Chambre d’instruction connait des appels formés par le Procureur de la République, la partie civile, l’inculpé ou son conseil, contre les ordonnances rendues par le Juge des Enfants. S’agissant du Procureur de la République, ce dernier, en application des dispositions de l’article 219 du CPP, peut faire appel de toutes les ordonnances rendues par le Juge des Enfants. Quant à l’inculpé mineur, le droit d’appel lui appartient contre l’ordonnance par laquelle le Juge statue sur sa compétence, celle déclarant recevable la constitution de partie civile, celle intervenue sur la restitution d’objets saisis, celle rejetant sa demande d’expertise, de complément d’expertise ou de contre-expertise, celle ordonnant son placement en détention préventive, prolongeant sa détention, refusant sa demande de mise en liberté, celle ordonnant son renvoi devant le Tribunal pour Enfants ou devant le Juge des Enfants.
L’on pourrait, également soutenir, sans risque de se tromper que l’inculpé mineur peut également former appel contre l’ordonnance de garde provisoire, car même si cette mesure est plus souple que la détention préventive, elle s’analyse tout de même comme une mesure restrictive de liberté, à certains égards.
Pour sa part, la partie civile peut interjeter appel des ordonnances de non informer, de non-lieu et des ordonnances faisant grief à ses intérêts civils. Elle peut aussi interjeter appel de l’ordonnance par laquelle le juge des enfants a, d’office ou sur déclinatoire, statué sur sa compétence, ainsi que des ordonnances rejetant sa demande d’expertise, de complément d’expertise ou de contre-expertise[31]. L’appel de l’inculpé et de la partie civile est interjeté dans les 72 heures à compter de la notification de l’ordonnance à l’intéressé ou à son conseil s’il en a.
Selon l’article 811 du CPP, en cas d’appel interjeté contre une décision de placement en détention préventive ou de refus de mise en liberté d’un mineur, la Chambre d’Instruction est tenue de statuer au plus tard dans les 15 jours de l’arrivée du dossier au greffe de la Chambre d’Instruction, faute de quoi l’inculpé est mis d’office en liberté, sauf si des vérifications concernant sa demande ont été ordonnées. Dans ce cas, ce délai est prorogé d’une durée maximum de quinze jours.
La seconde attribution, à savoir celle consistant à réaliser une seconde instruction de la procédure, est exercée lorsque la Chambre d’instruction est saisie par le Procureur général à la suite d’une ordonnance de transmission des pièces, le Juge des Enfants, ayant au terme de ses investigations estimé que les faits imputés au mineur constituent un crime. En cette matière, la Chambre procède à une seconde instruction du dossier, et vérifie par la même occasion la régularité des actes de procédure réalisés par le Juge des Enfants, notamment l’inculpation, l’interrogatoire au fond, les auditions, le placement en détention préventive. Si au terme de la seconde instruction, la Chambre d’instruction estime que les faits imputés au mineur sont criminels, elle renvoie ce dernier devant le Tribunal Criminel pour Mineurs, s’il est âgé d’au moins 16 ans. Si le mineur est âgé de moins de 16 ans, la Chambre d’instruction ordonne son renvoi devant le Tribunal pour Enfants. Si la cause implique un mineur de 16 ans au moins et des majeurs, la Chambre d’Instruction renvoie le mineur devant le tribunal criminel pour mineurs, et disjoint les poursuites concernant les majeurs pour les renvoyer devant le Tribunal criminel de droit commun. Dans tous les cas, les mineurs âgés de moins de 16 ans sont renvoyés devant le Tribunal pour enfants.
Si la Chambre d’Instruction estime que les faits ne constituent ni crime, ni délit, ni contravention ou si l’auteur est resté inconnu ou s’il n’existe pas de charges suffisantes contre l’inculpé mineur, ou si l’action publique est éteinte, elle déclare n’y avoir lieu à suivre. Les inculpés mineurs et majeurs préventivement détenus sont mis en liberté d’office, sauf s’ils sont détenus pour autre cause.
Si la Chambre d’Instruction estime que les faits constituent un délit ou une contravention, elle prononce le renvoi de l’affaire, dans le premier cas, devant le Tribunal pour enfants et dans la seconde hypothèse, devant le Juge des Enfants.
La Chambre d’Instruction peut, dans tous les cas, à la demande du Procureur général, d’une des parties ou même d’office, ordonner tout acte d’information complémentaire qu’elle juge utile, et décerner tous mandats.
En cas de crime, l’arrêt de renvoi devant le Tribunal criminel pour mineurs contient, à peine de nullité, l’exposé et la qualification légale des faits objets de l’accusation. Il purge la procédure de tout vice ; aucune nullité ne peut plus être soulevée devant la juridiction de jugement saisie de l’arrêt de renvoi.
S’agissant de la dernière attribution ci-dessus évoquée, elle est prévue par l’article 239 du CPP, qui dispose en substance que dans tous les cas, y compris en matière de détention préventive, la Chambre d’Instruction examine la régularité des procédures qui lui sont soumises. Si elle découvre une cause de nullité, elle prononce la nullité de l’acte qui en est entaché et, s’il y a lieu, celle de tout ou partie de la procédure ultérieure. Après annulation, elle peut soit évoquer et ordonner tout acte d’information complémentaire qu’elle juge utile, décerner tous mandats, statuer sur tous les faits principaux ou connexes susceptibles de qualification pénale résultant du dossier de la procédure, qui n’auraient pas été visés par l’ordonnance du juge des enfants ou ordonner que soient inculpées, dans les conditions prévues à l’article 238, des personnes qui n’ont pas été renvoyées devant elle, à moins qu’elles n’aient fait l’objet d’une ordonnance de non-lieu devenue définitive. La Chambre d’instruction peut également, après annulation de l’acte ou de la procédure, renvoyer le dossier au même Juge des enfants ou à tel autre, afin de poursuivre l’information. À titre d’illustration, la Chambre d’instruction peut annuler le procès-verbal d’interrogatoire de première comparution lorsqu’il a été fait la preuve que le Juge des Enfants, lors de la première comparution, a posé des questions au mineur sur les circonstances de commission des faits poursuivis. Elle peut aussi annuler ledit procès-verbal s’il ne contient pas la mention relative au droit de l’inculpé de se constituer un conseil. Elle peut en outre annuler les procès-verbaux d’interrogatoire au fond ou de confrontation si ces actes ont été réalisés en l’absence des conseils des parties, toutes les fois où ceux-ci n’ont pas été dument convoqués dans les délais visés à l’article 135 du CPP.
Après un passage en revue de la phase des poursuites et d’instruction, il convient d’aborder à présent la phase de jugement.
- LA PHASE DE JUGEMENT
Trois juridictions interviennent dans la procédure de jugement de la cause concernant le mineur délinquant. Il s’agit du Juge des Enfants (A), du Tribunal pour Enfants (B) et du Tribunal criminel pour mineurs (C).
- Le Juge des Enfants
Jusqu’à ce jour, le Juge des Enfants constitue la seule entorse à la règle de séparation des fonctions judiciaires. En effet, ce Magistrat, en plus d’être juridiction d’instruction pour les mineurs délinquants, s’avère également être juridiction de jugement dans certaines hypothèses.
En effet, selon l’article 812 alinéa 2 du CPP, le Juge des Enfants, au terme de ses diligences peut, en cas de contravention ou de délit, renvoyer par ordonnance le mineur devant le Juge des enfants. Une fois la procédure renvoyée devant lui, le Juge des Enfants change de statut, passant de celui de Magistrat instructeur à celui de juridiction de jugement. En une telle occurrence, il peut, par jugement rendu en chambre du conseil, soit relaxer le mineur s’il estime que le délit n’est pas établi, soit l’admonester, soit le remettre à ses parents, à son tuteur, à la personne qui en avait la garde ou à une personne digne de confiance, en prescrivant le cas échéant qu’il sera placé jusqu’à un âge qui ne pourra excéder 21 ans sous le régime de la liberté surveillée. Il ressort de ce qui précède que lorsque le Juge des Enfants statue en chambre du conseil, il ne prononce pas de peine d’emprisonnement contre le mineur. Il ne prend que des mesures de protection, d’assistance, de surveillance, d’éducation ou de réformes à l’égard d’un mineur ; ces mesures étant essentiellement destinées à participer à la rééducation du mineur.
Il convient de faire observer qu’en dehors de la nature de la décision rendue par le Juge des Enfants statuant en chambre du conseil (Jugement), et dans une moindre mesure de la nature des mesures prises par ce magistrat (mesures d’assistance éducative), l’article 814 du CPP ne précise nullement les modalités de la tenue de l’audience en chambre du conseil. En effet, ce texte reste muet sur la convocation du Ministère public ou sa représentation au cours de l’audience. À quel moment le Juge des Enfants doit-il recueillir les réquisitions du Ministère Public, car même si l’audience en chambre du conseil recèle des spécificités, il n’en demeure pas moins que s’agissant d’une audience pénale, il est nécessaire, notamment en application des articles 42 à 44 du CPP, que le Ministère public soit représenté. En pratique, c’est toujours en l’absence d’un représentant du Ministère public que le Juge des Enfants statue en chambre du conseil. Ce qui est constant, c’est que le Juge des Enfants ne peut statuer en chambre du conseil qu’en présence du représentant légal, du tuteur ou de l’avocat du mineur, et le cas échéant en présence d’un éducateur de la protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse.
En cas d’admonestation ou de remise du mineur à ses parents ou à toute autre personne digne de confiance, le jugement rendu par le Juge des enfants ne soulève aucune préoccupation liée à son exécution. C’est lorsque ladite remise est exécutée sous le régime de la liberté surveillée que des questions peuvent se poser. Dans ce cas, la rééducation des mineurs en liberté surveillée est assurée, sous l’autorité du Juge des enfants, par des éducateurs de la protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse. Dans chaque affaire, l’éducateur est désigné par le jugement qui ordonne la liberté surveillée, mais il peut être désigné plus tard par ordonnance du Juge.
Le Juge des enfants agissant désormais en qualité de Juridiction de jugement, il convient d’aborder la question relative à la constitution de partie civile faite devant lui. À ce titre, il ressort des dispositions de l’article 805 du CPP que l’action civile peut être portée devant le Juge des enfants. Ainsi, la victime d’une contravention ou d’un délit peut comparaitre pendant l’audience en chambre du conseil pour solliciter la réparation des dommages matériels, corporels ou moraux, qui découlent des faits objet de la poursuite. L’exercice de l’action civile et sa recevabilité sont appréciés conformément aux articles 428 et suivants du CPP.
L’article susvisé fait d’autres précisions relativement à l’action civile. Ainsi, selon les alinéas 2, 3 et 4, lorsqu’un ou plusieurs mineurs de dix-huit ans sont impliqués dans la même cause qu’un ou plusieurs majeurs, l’action civile contre tous les responsables peut être portée devant le tribunal correctionnel ou devant le tribunal criminel compétents à l’égard des majeurs. En ce cas, les mineurs ne comparaissent pas à l’audience, mais seulement leurs représentants légaux. À défaut de choix d’un défenseur par le mineur ou par ses représentants, il lui en est désigné un d’office. Dans le cas prévu à l’alinéa qui précède, s’il n’a pas encore été statué sur la culpabilité des mineurs, le tribunal correctionnel ou le tribunal criminel peut surseoir à statuer sur l’action civile.
S’agissant spécifiquement des contraventions, il convient d’indiquer qu’aux termes de l’article 829 du CPP « Les contraventions de simple police, commises par les mineurs de dix-huit ans, sont déférées par voie de réquisitoire du Procureur de la République au juge des enfants siégeant en chambre du conseil, aux fins de jugement. » Il s’induit de cette disposition que le Juge des Enfants lorsqu’il est saisi d’une contravention commise par un mineur ne se comporte pas comme un magistrat instructeur, mais seulement comme juridiction de jugement. Ce qui signifie que l’instruction n’est pas nécessaire en matière de simple police. En cette matière, le Juge des Enfants statue en chambre du conseil avec un greffier, et en présence, même si le texte ne le dit pas expressément, des parents, du tuteur, d’un conseil, de la personne qui avait la garde du mineur ou d’un éducateur de la protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse. Si la contravention est établie, le Juge des enfants peut soit admonester le mineur, soit s’il estime conforme à l’intérêt du mineur, le placer sous le régime de la liberté surveillée. Toutefois, les mineurs de 13 ans, c’est-à-dire ceux qui n’ont pas encore atteint cet âge, ne peuvent faire l’objet que d’une admonestation (réprimande).
À côté du Juge des Enfants, le Tribunal pour Enfants constitue une autre juridiction de jugement en matière d’enfance délinquante.
- Le Tribunal pour Enfants
Le Tribunal pour Enfants est compétent pour juger les délits commis par les mineurs. Cette juridiction connait également des crimes commis par les mineurs qui n’ont pas encore atteint l’âge de 16 ans.
Est territorialement compétent, le Tribunal pour Enfants du lieu de l’infraction, de la résidence du mineur ou de ses parents ou tuteur, du lieu où le mineur aura été trouvé ou du lieu où il a été placé soit à titre provisoire soit à titre définitif.
Selon l’article 801 du CPP, il existe un Tribunal pour Enfants au siège de chaque TPI. Même si cette disposition ne le précise pas, en pratique, il en existe dans chaque Section détachée de tribunal.
Le Tribunal pour Enfants est composé du Juge des Enfants et de deux assesseurs. Le Juge des Enfants en est le Président, ce qui constitue encore une exception au principe de la séparation des fonctions judiciaires, car c’est le même Juge des Enfants qui a instruit la cause, qui sera au stade du jugement, chargé de statuer sur le sort du mineur initialement inculpé par ses soins. Quant aux assesseurs, ils sont nommés par arrêté du Ministre de la Justice sur proposition du juge des enfants, parmi les personnes de l’un ou de l’autre sexe, âgées de plus de 30 ans, ressortissantes de la Côte d’Ivoire et s’étant signalées par l’intérêt qu’elles portent aux questions de l’enfance et par leur compétence. Les assesseurs titulaires et les 05 assesseurs suppléants prêtent serment avant d’entrer en fonction.
Quant aux fonctions de greffier, elles sont exercées par le Greffier en chef du Tribunal ou par un greffier par lui désigné.
Le déroulement des audiences du Tribunal pour Enfants est décrit par les articles 822 et 823 du CPP. Ainsi, ce tribunal statue après avoir entendu le mineur, les témoins, les parents, le tuteur ou gardien, le Ministère public et le défenseur, s’il en a été désigné. Le Tribunal, s’il y a lieu, peut entendre à titre de simples renseignements, les autres auteurs ou complices majeurs. Mais pour certaines rasions, tirées notamment de la protection des intérêts du mineur, le Tribunal peut ne pas exiger la comparution de ce dernier. En une telle occurrence, le mineur est représenté par son représentant légal, son conseil ou par son gardien. Toutefois, la décision rendue dans de telles conditions est réputée contradictoire.
Si le Tribunal pour enfants, initialement saisi pour juger des faits délictuels commis par un mineur de moins de 16 ans, constate que lesdits faits admettent plutôt une qualification criminelle, il ordonne un supplément d’information, qui sera certainement réalisé par le Juge des Enfants, Président dudit Tribunal. Il pourra à cette occasion ordonner une enquête sociale, confiée à un éducateur de la protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse à l’effet de recueillir des renseignements sur la situation matérielle et morale de la famille, sur le caractère et les antécédents du mineur, sur sa fréquentation scolaire, son attitude à l’école, sur les conditions dans lesquelles il a vécu ou a été élevé. Les assesseurs, bien que n’étant pas des magistrats professionnels, pourront tout de même, car étant également membres du Tribunal, assister le Juge dans la réalisation de ce supplément.
Si l’instruction révèle que les faits délictuels initialement portés à la connaissance du Tribunal sont en réalité criminels, il devra se déclarer incompétent au profit du Tribunal Criminels pour mineurs.
Si devant le Tribunal correctionnel, les affaires inscrites au rôle sont jugées en présence des différents prévenus et même du public, sauf lorsque le huis clos est ordonné, le Tribunal pour enfants, pour sa part, statue séparément sur chacune des affaires, et en l’absence des autres prévenus. Sans être une audience à huis clos, le public n’est pas admis à assister aux débats. Seuls sont admis à l’audience, les témoins de l’affaire, les proches parents, le tuteur ou le représentant légal du mineur, les membres du barreau, les représentants des sociétés de patronages d’œuvres en faveur des enfants, et des services ou institutions s’occupant des enfants, les délégués à la liberté surveillée. Le Président peut à tout moment, si l’intérêt du mineur l’exige, demander à ce dernier de se retirer, tout comme aux témoins, après leur déposition.
La publication du compte rendu des débats du Tribunal pour enfants, de tout test ou de toute illustration concernant l’identité et la personnalité des mineurs délinquants est interdite. Cette interdiction qui constitue une infraction est punie d’une amende de 100.000 francs à 3.000.000 de francs, selon l’alinéa 4 de l’article 823 du CPP. En cas de récidive, un emprisonnement de deux mois à deux ans peut être prononcé.
Au titre des sanctions encourues par le mineur, il convient de souligner que lorsque la prévention est établie, le mineur encourt, dans la plupart des cas, des mesures des mesures de protection, d’assistance, de surveillance, d’éducation. Mais, dans certaines hypothèses, le Tribunal peut prononcer une peine privative de liberté à l’encontre du mineur.
D’une part, si le mineur est âgé de 13 ans, ce qui signifie en réalité qu’il n’a pas atteint cet âge, le Tribunal, lorsque la prévention est établie, prononce par décision motivée, l’une des mesures prévues à l’article 824 du CPP. Il s’agit notamment de la remise à parent ou un service de l’assistance à l’enfance, le placement dans une institution ou un établissement public ou privé d’éducation ou de formation professionnelle habilités, dans un établissement médical ou médico-pédagogique habilité, ou dans un internat approprié aux mineurs délinquants d’âge scolaire. Même lorsque le mineur est âgé de plus de 13 ans, le Tribunal peut, toujours par décision motivée, prononcer l’une des mesures susvisées, ainsi que le placement dans une institution publique d’éducation surveillée ou d’éducation corrective. Le Tribunal fixe dans son jugement le nombre d’années pendant lesquelles ces mesures devront s’appliquer, ainsi que la date de l’expiration du placement. Ces années, selon l’article 826 du CPP, ne peuvent excéder l’époque où le mineur aura atteint l’âge de 16 ans pour le mineur de 13 ans, et l’âge de 21 ans pour le mineur de plus de 13 ans. Il s’ensuit que peu importe la gravité des faits commis par le mineur, le Tribunal ne pourra jamais prononcer une peine privative de liberté contre ce dernier, tant qu’il a moins de 13 ans. Cela, juridiquement, s’explique par le fait que le mineur de 13 ans bénéficie de droit, en cas de culpabilité, de l’excuse absolutoire de minorité, telle que prévue par l’article 113 alinéa 2 du Code pénal.
D’autre part, si la prévention est établie à l’égard d’un mineur âgé de plus de 13 ans, celui-ci peut faire l’objet d’une condamnation pénale conformément à l’article 796 du CPP. Selon l’alinéa 2 de l’article 796 du CPP « Le tribunal pour enfants et le tribunal criminel pour mineurs peuvent cependant, lorsque les circonstances et la personnalité du délinquant leur paraissent l’exiger, prononcer à l’égard du mineur une condamnation pénale. Il est alors fait application des dispositions prévues par les articles 820 et 827 ainsi que des dispositions du Code pénal relatives à la minorité. »
En pratique, le prononcé d’une peine privative de liberté à l’encontre du mineur de plus de 13 ans doit être justifié par les circonstances de commission de l’infraction ou la personnalité du mineur ( sa dangerosité, l’impossibilité de le resocialiser). Ainsi, si l’infraction commise par le mineur âgé de plus de 13 ans est un délit, la peine qui peut être prononcée contre lui est celle prévue par les dispositions du Code pénal relatives à la minorité. En effet, selon l’article 113 alinéa 4 du Code pénal, les mineurs de 16 à 18 ans bénéficient de l’excuse atténuante de minorité. En matière de crime et délit, l’excuse atténuante de minorité entraîne l’application de la moitié des peines prévues par l’article 112 du Code pénal. Or, suivant les dispositions de l’article 112 susvisé, « Lorsqu’un fait d’excuse atténuante est établi, les peines principales encourues sont réduites ainsi qu’il suit : 1 ° la peine privative de liberté perpétuelle est remplacée par une peine privative de liberté d’un à dix ans ; 2° la peine privative de liberté temporaire et criminelle est remplacée par une peine privative de liberté de six mois à cinq ans ; 3° la peine privative de liberté correctionnelle est remplacée par une peine privative de liberté de dix jours à six mois ou par une peine de travail d’intérêt général. » Dès lors, selon les cas, les mineurs âgés de plus de 13 ans mais qui n’ont pas encore atteint 18 ans révolus, en cas de culpabilité, pour des faits délictuels, encourent la moitié des peines prévues à l’article 112 susvisé. À titre d’exemple, si un mineur de plus de 13 ans est reconnu coupable des faits de vol, parce qu’il bénéficie de droit de l’excuse atténuante de minorité, il ne pourra être prononcé à son encontre que la moitié de la peine prévue par le 3e paragraphe de l’article 112 du Code pénal, soit la moitié de la peine privative de liberté oscillant en principe entre 10 jours et 06 mois.
En tout état de cause, lorsque l’une des mesures prévues aux articles 824 et 825 du CPP ou une condamnation pénale est décidée, le mineur peut, en outre, être placé jusqu’à l’âge de la majorité, sous le régime de la liberté surveillée. Le tribunal pour enfants peut, avant le prononcé au fond, ordonner la mise en liberté surveillée à titre provisoire en vue de statuer après une ou plusieurs périodes d’épreuve dont il fixe la durée.
Qu’en est-il des règles applicables devant le Tribunal criminel pour mineurs ?
- Le Tribunal Criminel pour Mineurs
Le Tribunal criminel pour mineurs est matériellement compétent pour connaitre des crimes commis par les mineurs âgés d’au moins 16 ans. Ce tribunal se réunit durant la session du tribunal criminel, soit tous les 03 mois. Toutefois, le Président du tribunal peut, après avis du Procureur de la République, ordonner qu’il soit tenu, au cours d’un même trimestre, une ou plusieurs sessions supplémentaires. En principe, les sessions du Tribunal criminel pour mineurs, tout comme celles du Tribunal criminel, se tiennent seulement au siège du TPI dans le ressort duquel les affaires criminelles ont été instruites. Les sections détachées ne peuvent en principe abriter de telles sessions.
Est territorialement compétent, le Tribunal criminel pour mineurs du lieu de l’infraction, de la résidence du mineur ou de ses parents ou tuteur, du lieu où le mineur aura été trouvé ou du lieu où il a été placé soit à titre provisoire soit à titre définitif.
Le Tribunal criminel pour mineurs est composé de 05 membres : un président, deux membres magistrats et deux assesseurs. Le président est désigné et remplacé s’il y a lieu, dans les conditions prévues pour le président du tribunal criminel par l’article 270 du CPP. Ainsi, cette juridiction est en principe présidée par le Président du Tribunal, et en cas d’empêchement, par un vice-président ou le juge le plus ancien dans le grade le plus élevé. Il convient de souligner que contrairement au Tribunal pour Enfants, le Tribunal criminel pour mineurs ne peut en aucun cas être présidé par le Juge des Enfants ayant instruit l’affaire. Ce dernier ne peut même pas siéger en qualité d’assesseur. Quant aux deux assesseurs magistrats, ils sont désignés par ordonnance du Président de tribunal, au début de chaque année judiciaire. Les deux autres assesseurs non-magistrats, sont choisis parmi les personnes indiquées à l’article 821 du CPP, dans les mêmes conditions que celles régissant la désignation des assesseurs du Tribunal pour Enfants. Les fonctions du Ministère public sont remplies par les membres de la Section du parquet chargée du traitement de l’ensemble des procédures intéressant les mineurs. En ce qui les fonctions du Greffier, elles sont exercées par un greffier du TPI choisi par le Greffier en chef, et désigné par ordonnance du Président de tribunal, au début de chaque année judiciaire.
Le Président du tribunal criminel pour mineurs et le Tribunal criminel pour mineurs exercent respectivement les attributions dévolues par le CPP au Président du tribunal criminel et au Tribunal criminel. Selon l’article 819 du CPP, les articles 276 à 361 du CPP, dispositions relatives au Tribunal criminel, s’appliquent au Tribunal criminel pour mineurs et à son Président.
Ainsi, l’arrêt de renvoi est signifié à la personne de l’accusé, s’il est détenu et copie lui en est laissé. S’il n’est pas détenu, signification lui est faite dans les formes et conditions prévues aux articles 585 à 602 du CPP. S’il est détenu dans une autre maison d’arrêt, l’accusé est transféré dans la maison d’arrêt du lieu où siège le tribunal criminel. Si bien qu’ayant reçu signification de l’arrêt de renvoi, l’accusé mineur, âgé d’au moins 16 ans ne se présente pas, le Président du Tribunal décerne contre lui une ordonnance de prise de corps, qui produit les mêmes effets qu’un mandat d’arrêt. S’il ne se présente, car n’ayant pu être saisi ou n’ayant reçu signification à sa personne, il est procédé contre lui par contumace.
Après transmission du dossier au Procureur de la République par le Procureur général, le Président interroge l’accusé dans le plus bref délai, sur son identité et s’assure que celui-ci a reçu signification de l’arrêt de renvoi. Cette formalité peut être assurée par l’un des assesseurs magistrats. Il peut se faire assister d’un interprète s’il y a lieu. L’interrogatoire de l’accusé est constaté par un procès-verbal que signent le Président ou son remplaçant, le greffier, l’accusé et, s’il y a lieu, l’interprète. Si l’accusé ne sait ou ne veut signer, le procès-verbal en fait mention.
Le Président vérifie si l’accusé est assisté d’un conseil. À défaut, l’accusé est invité à choisir un conseil pour l’assister dans sa défense. Si l’accusé ne choisit pas de conseil, le président saisit le bâtonnier de l’ordre des avocats qui lui en désigne un d’office. La désignation d’office de conseil est non avenue si, par la suite, l’accusé choisit un conseil.
Il est délivré gratuitement à chacun des accusés copie de l’entier dossier de la procédure. La partie civile, ou son conseil peuvent se faire délivrer, à leurs frais, copie de toutes pièces de la procédure.
Les débats ne peuvent s’ouvrir moins de 05 jours après l’interrogatoire par le président du tribunal criminel. L’accusé et son conseil peuvent renoncer à ce délai.
Toutes les formalités susmentionnées sont obligatoires. En marge de ces formalités obligatoires, le Président du Tribunal peut réaliser d’autres actes facultatifs ou exceptionnels énumérés par les articles 289 à 293 du CPP.
Si la procédure devant le Tribunal criminel pour mineurs est en grande partie calquée sur celle du Tribunal criminel de droit commun, il convient tout de même de relever que dans l’optique de protéger le mineur, le législateur a institué des règles spéciales applicables à la procédure devant le Tribunal criminel pour mineurs. De ce fait, les alinéas 1, 2, 4 et 5 de l’article 823 du CPP s’appliquent en la matière. Ainsi, à l’image de ce qui se passe devant le Tribunal pour Enfants, le tribunal criminel pour mineurs statue séparément sur chacune des affaires, et en l’absence des autres accusés. Seuls sont admis à l’audience, les témoins de l’affaire, les proches parents, le tuteur ou le représentant légal du mineur, les membres du barreau, les représentants des sociétés de patronages d’œuvres en faveur des enfants, et des services ou institutions s’occupant des enfants, les délégués à la liberté surveillée. Après l’interrogatoire des accusés, le Président peut, à tout moment, ordonner que l’accusé mineur se retire pendant tout ou partie de la suite des débats.
La publication du compte rendu des débats du Tribunal criminel pour mineurs, de tout test ou de toute illustration concernant l’identité et la personnalité des mineurs délinquants est interdite. La violation de cette prescription est punie d’une amende de 100.000 francs à 3.000.000 de francs, selon l’alinéa 4 de l’article 823 du CPP. En cas de récidive, un emprisonnement de deux mois à deux ans peut être prononcé.
Par ailleurs, le régime des sanctions susceptibles d’être prononcées par le Tribunal criminel pour mineurs à l’encontre du mineur âgé d’au moins 16 ans est prévu par l’article 820 du CPP. Selon l’alinéa 1 de cet article, « Le tribunal criminel pour mineurs doit, à peine de nullité, statuer spécialement : 1°sur l’application à l’accusé d’une condamnation pénale ; 2°sur l’exclusion de l’accusé du bénéfice de l’excuse atténuante de minorité ». Deux constats méritent d’être faits à la lecture de cet alinéa.
D’une part, le Tribunal criminel pour mineurs se doit, à peine de voir son jugement annulé, de se prononcer spécialement sur l’application d’une peine privative de liberté au mineur accusé. Il en résulte que le Tribunal bien que statuant sur des faits criminels, peut en cas de culpabilité, ne pas prononcer une peine privative de liberté contre le mineur accusé. Si les circonstances de la cause exigent le prononcé d’une peine d’emprisonnement, ledit Tribunal doit spécialement motiver sa décision sur ce point. Ce premier constat est confirmé par l’alinéa 2 de l’article 820 susvisé qui dispose que « S’il est décidé que l’accusé mineur de dix-huit ans déclaré coupable ne doit pas faire l’objet d’une condamnation pénale, les mesures relatives à son placement ou à sa garde, sur lesquelles le tribunal est appelé à statuer sont celles des articles 824 et 825. ». Ainsi, lorsque le Tribunal décide de ne pas prononcer une condamnation pénale, il ne peut qu’ordonner l’une des mesures prévues aux articles 824 et 825 du CPP, notamment la remise à parents ou à tuteur, le placement dans une institution publique d’éducation surveillée ou d’éducation corrective ou la remise à un service de l’assistance à l’enfance.
D’autre part, les mineurs de 16 à 18 ans bénéficiant de droit de I’excuse atténuante de minorité, le Tribunal criminel pour mineurs s’il entend exclure le mineur accusé du bénéfice d’une telle excuse, doit, à peine de nullité de son jugement, se prononcer sur cette exclusion. Lorsque le Tribunal exclut l’accusé mineur du bénéfice de l’excuse atténuante de minorité, ce qui suppose que celui-ci entend prononcer une condamnation pénale contre l’accusé mineur, le mineur encourt les mêmes peines que celles prévues pour les majeurs.
Si l’excuse atténuante de minorité est retenue par le Tribunal, elle entraine, en matière criminelle, l’application de la moitié des peines prévues par l’article 112 du Code pénal.
En cas de condamnation à une peine privative de liberté, les mineurs doivent en principe purger leurs peines dans un service de protection judiciaire en milieu carcéral, mais ces services n’étant pas opérationnels, ces derniers sont incarcérés dans un quartier spécial, à défaut dans un local spécial. En tout état de cause, les mineurs condamnés doivent être complètement séparés des adultes. Ils bénéficient, quant au couchage, la nourriture, à l’habillement, d’un régime spécial dont les modalités sont fixées par arrêté du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice[32].
Quelles sont les voies de recours pouvant être exercées contre les décisions rendues par les différentes juridictions pour mineurs.
- LES VOIES DE RECOURS CONTRE LES DÉCISIONS RENDUES PAR LES JURIDICTIONS POUR MINEURS
Les voies de recours susceptibles d’être exercées contre les décisions rendues par les juridictions de jugement pour mineurs sont énumérées à l’article 831 du CPP. Ce texte dispose que « Le droit d’opposition, d’appel ou de recours en cassation peut être exercé soit par le mineur, soit par son représentant légal. »
Il s’ensuit que l’opposition (B), l’appel (C) et le pourvoi en cassation (D) sont les voies de recours pouvant être exercées contre les décisions des juridictions de jugement pour mineurs[33]. Mais, en premier lieu, les ordonnances rendues par le Juge des enfants, en sa qualité de magistrat instructeur, peuvent-elles aussi faire l’objet d’appel (A).
- L’appel des ordonnances du Juge des enfants
Les ordonnances rendues par le Juge des enfants, dans son office de magistrat instructeur pour les mineurs, peuvent faire l’objet d’appel devant le Chambre d’instruction.
En effet, selon l’article 839 du CPP « Les dispositions des articles 216 à 222 sont applicables aux ordonnances du Juge des enfants (…) ». Les articles 216 à 222 dont s’agit en l’espèce sont relatifs aux notifications, significations et appels contre les ordonnances du Juge d’instruction. Il s’ensuit que ces règles spécifiques régissant les ordonnances du Juge d’instruction sont également applicables aux ordonnances rendues par le Juge des enfants.
Ainsi, en application des textes susvisés, le mineur inculpé ou son représentant légal peut interjeter appel des ordonnances énumérées à l’article 220 du CPP[34]. Les ordonnances concernant la garde provisoire ou la détention préventive du mineur sont également susceptibles d’appel[35] de la part du mineur inculpé.
Selon l’article 839 du CPP, l’appel contre les mesures provisoires visées aux articles 808 et 809, à savoir la garde provisoire et la détention préventive, est formé dans les délais de l’article 559 du CPP[36]. Cet appel est porté devant la Chambre spéciale de la Cour d’appel[37]. Cette chambre spéciale, en pratique, semble être la Chambre d’instruction, qui connait de façon générale de l’ensemble des recours exercés contre les décisions des juridictions d’instruction de premier degré. Le délai d’appel, ainsi qu’il ressort de l’article 559 susvisé, est de 20 jours, à compter de la notification de l’ordonnance du Juge, et dans les conditions prévues par ledit article.
La partie civile peut quant à elle interjeter appel des ordonnances visées à l’article 221 du CPP. Il s’agit notamment des ordonnances de non informer, de non-lieu et des ordonnances faisant grief à ses intérêts civils. Toutefois, son appel ne peut, en aucun cas, porter sur une ordonnance ou sur la disposition d’une ordonnance relative à la détention de l’inculpé. Elle peut aussi faire appel de l’ordonnance par laquelle le Juge des enfants a, d’office ou sur déclinatoire, statué sur sa compétence, ainsi que des ordonnances rejetant sa demande d’expertise, de complément d’expertise ou de contre-expertise.
S’agissant du Procureur de la République, ce dernier, en application de l’article 220 du CPP, a le droit d’interjeter appel devant la Chambre d’Instruction de toute ordonnance du Juge des enfants.
Dans les cas autres que ceux concernant les ordonnances de garde provisoire et de détention préventive, l’appel de l’inculpé et de la partie civile est interjeté dans les 72 heures[38] à compter de la notification de l’ordonnance à l’intéressé ou à son conseil s’il en a. Si le mineur inculpé est détenu, les ordonnances du Juge des enfants lui sont notifiées par le Greffier. S’il est libre, lesdites ordonnances lui sont signifiées à la requête du Procureur de la République dans les 24 heures. Elles sont également signifiées à la partie civile dans le même délai, toujours à la requête du Procureur de la République.
L’appel a lieu, soit par déclaration au greffe de la juridiction qui a statué, soit par lettre recommandée avec accusé de réception ou par télégramme, soit par lettre par porteur contre décharge, adressé au greffier de cette juridiction. Le greffier dresse procès-verbal de réception de la lettre ou du télégramme d’appel sur le registre des appels. En pratique, l’appel est formé auprès du greffier du cabinet du Juge des enfants ayant rendu l’ordonnance attaquée. Si le mineur inculpé est détenu, sa déclaration d’appel est transmise par l’intermédiaire du chef de l’établissement pénitentiaire.
En dehors de l’appel formé contre les ordonnances du Juge des enfants, les jugements par défaut rendus par ce magistrat, ainsi que ceux rendus par le Tribunal pour enfants peuvent faire l’objet d’opposition.
- L’opposition contre les jugements du Juge des enfants et du Tribunal pour enfants
L’article 832 du CPP déclare que, « Les règles sur le défaut et l’opposition résultant des articles 511 et suivants sont applicables aux jugements du juge des enfants et du tribunal pour enfants (…) »
Il ressort du texte précité que lorsque le mineur a été jugé par défaut par le Juge des enfants ou par le Tribunal pour enfants, soit parque qu’il n’a pas comparu, soit parce qu’il n’a pas eu connaissance de la procédure, ce dernier ou son représentant légal peut former opposition contre ledit jugement. Cette opposition peut toutefois être limitée aux dispositions civiles du jugement.
L’opposition rend le jugement par défaut non avenu dans toutes ses dispositions faisant l’objet de l’opposition. Le Juge ou le Tribunal statuant sur opposition rend un nouveau jugement[39]. L’opposition est faite par déclaration au greffe[40]. Elle est immédiatement notifiée, par le greffier, au Ministère public, à charge par lui d’en aviser, par notification, la partie civile. Dans le cas où l’opposition est limitée aux dispositions civiles du jugement, l’opposant doit adresser la notification directement à la partie civile.
L’opposition est formée dans les délais de 10 jours, si le prévenu réside sur le territoire de la République et d’un mois, dans les autres cas. Ces délais courent à compter de la signification du jugement. Lorsque la signification n’a pas été faite à la personne du mineur prévenu ou son représentant, les délais d’opposition sont ceux prévus par l’article 517 du CPP[41].
L’opposition est non avenue si l’opposant ne comparaît pas à la date qui lui est fixée[42].
Le mineur et son représentant légal peuvent également interjeter appel des jugements du Juge des enfants, du Tribunal pour enfants et du Tribunal criminel pour mineurs.
- L’appel contre les jugements du Juge des enfants, du Tribunal pour enfants et du Tribunal criminel pour mineurs
L’appel des jugements du Juge des enfants et du Tribunal pour enfants s’exerce suivant les règles édictées par les articles 555 et suivants du CPP. La faculté d’interjeter appel appartient au mineur ou à son représentant légal, ainsi qu’aux autres personnes visées à l’article 558[43] du CPP. L’appel est interjeté dans le délai de 20 jours, à compter du prononcé du jugement contradictoire, et selon les spécifications fixées à l’article 559 du CPP. Si le jugement est rendu par défaut ou par itératif défaut, le délai d’appel, qui est également de 20 jours, ne court qu’à compter de la signification du jugement, quel qu’en soit le mode.
L’appel contre les jugements du Juge des enfants et du Tribunal pour enfants est jugé par la Cour d’appel, au cours d’une audience spéciale, suivant la même procédure qu’en première instance.
La faculté d’interjeter appel contre les jugements du Tribunal criminel pour mineurs appartient à l’accusé, au Ministère public, à la personne civilement responsable quant à ses intérêts civils, à la partie civile quant à ses intérêts civils et en cas d’appel du Ministère public, aux Administrations publiques dans les cas où celles-ci exercent l’action publique. Le Procureur général peut également faire appel des jugements d’acquittement.
L’appel est également interjeté dans le délai de 20 jours à compter du prononcé de la décision contradictoire. Les délais d’appel ne courent qu’à compter de la signification du jugement pour la partie qui n’était pas présente ou représentée à l’audience au cours de laquelle la décision a été prononcée, mais seulement dans le cas où elle-même ou son représentant n’auraient pas été informés du jour où le jugement serait prononcé. En cas d’appel d’une partie pendant les délais ci-dessus, les autres parties ont un délai supplémentaire de 05 jours pour interjeter appel.
L’appel est formé dans les formes et conditions prévues aux articles 564[44] et 565[45] du CPP.
L’appel des jugements rendus par le Tribunal criminel pour mineurs est porté devant la chambre criminelle spéciale de la Cour d’appel. Celle-ci se réunit durant la session de la chambre criminelle de ladite Cour.
L’accusé absent sans excuse valable à l’ouverture de l’audience du Tribunal criminel pour mineurs est jugé par contumace. Il en est de même lorsque l’absence de l’accusé est constatée au cours des débats et qu’il n’est pas possible de les suspendre jusqu’à son retour. La procédure de contumace est décrite aux articles 354 à 361 du CPP.
Un pourvoi en cassation peut aussi être formé par les parties contre les décisions rendues en matière d’enfance délinquante.
- Le pourvoi en cassation
Le recours en cassation (formé contre les arrêts de la Chambre d’Instruction et les arrêts et jugements rendus en dernier ressort en matière criminelle, correctionnelle et de simple police) n’est pas suspensif, sauf si une condamnation pénale est intervenue. Le pourvoi est porté devant la Cour de cassation par le Ministère public et toutes les parties, dans le délai de 15 jours francs à compter du prononcé de la décision attaquée. Toutefois, en application de l’article 604 du CPP, le délai de pourvoi ne court qu’à compter de la signification de l’arrêt, quel qu’en soit le mode : « 1°pour la partie qui, après débat contradictoire, n’était pas présente ou représentée à l’audience où l’arrêt a été prononcé, si elle n’avait pas été informée ainsi qu’il est dit à l’article 484, alinéa 2 ; 2°pour le prévenu qui a demandé à être jugé en son absence dans les conditions prévues à l’article 421, alinéa 1 ; 3°pour le prévenu qui n’a pas comparu dans le cas prévu aux articles 420 et 421, alinéa 4 ; 4°pour le prévenu qui a été jugé par itératif défaut ; le délai du pourvoi contre les arrêts ou les jugements par défaut ne court, à l’égard du prévenu que du jour où ils ne sont plus susceptibles d’opposition. A l’égard du Ministère public, le délai court à compter de l’expiration du délai de dix jours qui suit la signification ».
La déclaration de pourvoi est faite au greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée ou au greffier de la juridiction de la résidence du demandeur en cassation. Elle est signée par le greffier et par le demandeur en cassation lui-même ou par un avocat ou par un fondé de pouvoir spécial ; dans ce dernier cas, le pouvoir est annexé à l’acte dressé par le greffier. Si le déclarant ne peut signer, le greffier en fait mention. Elle est inscrite sur un registre public à ce destiné et toute personne a le droit de s’en faire délivrer une copie. Dans le cas où le pourvoi est reçu par le greffe de la résidence, le greffier qui a dressé l’acte le transmet sans délai au greffe de la juridiction qui a statué[46].
Lorsque le demandeur en cassation est détenu, il peut également faire connaître sa volonté de se pourvoir par une lettre qu’il remet au chef de l’établissement pénitentiaire ; ce dernier lui en délivre récépissé. Le chef de l’établissement pénitentiaire certifie sur cette lettre même que celle-ci lui a été remise par l’intéressé et il précise la date de la remise. Ce document est transmis immédiatement au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée ; il est transcrit sur le registre prévu par l’article 613 alinéa 3, et est annexé à l’acte dressé par le greffier[47].
En principe, le demandeur au pourvoi est tenu, à peine de déchéance, de consigner la somme de 25.000 francs. Exceptionnellement, les mineurs de 18 ans sont dispensés de cette consignation[48].
Au terme de cette étude, il convient de retenir que la question de la délinquance juvénile a toujours été au centre des préoccupations du législateur ivoirien, qui très tôt, en 1960 déjà, lui a consacré une législation spéciale, protectrice des droits du mineur délinquant et guidé par le souci de la rééducation, à travers le principe de « la primauté de l’éducation sur la répression ». Cette volonté constante du législateur de protéger le mineur délinquant a été sans ambages réaffirmée dans la loi n°2018-975 du 27 décembre 2018 portant Code de procédure pénale. Cette loi a poursuivi l’énorme chantier entamé par la loi n°60-366 du 14 novembre 1960 et en a comblé certaines carences, notamment le défaut de dispositions spéciales sur la garde à vue du mineur. Cette nouvelle loi a également précisé les modalités relatives à la prolongation de la détention préventive du mineur, et celles relatives à la désignation des membres du Tribunal criminel pour mineurs et leur remplacement. L’on peut, au terme de cette étude, affirmer que les règles applicables au mineur délinquant ont connu une évolution notable dans le sens de la protection des droits du mineur, même si, comme toute œuvre humaine, la loi n°2018-975 du 27 décembre 2018 n’est pas parfaite en tous points. Mais, aujourd’hui plus que jamais, l’espoir placé en cette nouvelle loi est immense, d’autant que sa bonne application par tous les acteurs de la chaine pénale, aura sans doute pour effet de créer un équilibre entre la nécessaire répression des mineurs délinquants et leur rééducation, dans un contexte marqué par l’émergence de nouvelles formes de criminalité juvénile, telle que le « phénomène des enfants en conflit avec la loi ».
[1] Militaire et homme politique français du XIXe siècle.
[2] ROBERT Phillipe, Traité de droit des mineurs, Paris : Ed. Cujas, 1969, V. note n° 5, § 47, p. 62.
[3] Leila HEBBAJ, L’avenir du droit de l’enfance délinquante, Thèse de Doctorat, présentée et soutenue publiquement, le 27 novembre 2018, à l’Université de Lille.
[4] Âgé de 0 à 7 ans.
[5] Âgé de 7 à 10 ans.
[6] Âgé de 10 à 14 ans.
[7] C’était l’examen des organes génitaux de l’intéressé qui permettait de fixer son âge. L’âge légal de la puberté était quant à lui fixé à quatorze ans pour les garçons et douze dans les autres domaines.
[8] Loi du 28 avr. 1832 apportant modification au Code d’instruction criminelle et au Code pénal, Bull. des Lois n° 78, sér. 9, t. IV, 1ère partie, p. 267.
[9] Circulaire du 31 mai 1898 relative aux mesures à prendre par le magistrat instructeur en vue de la moralisation et du relèvement des mineurs de seize ans inculpés, B. O Min. Justice 1898, p. 35.
[10] Loi du 22 juill. 1912 sur les tribunaux pour enfants et adolescents et sur la liberté surveillée, JO 25 juil. 1912, p. 6690
[11] En revanche, s’il était jugé « éducable », le mineur pouvait bénéficier du droit pénal dérogatoire conçu par le régime Vichy.
[12] Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, JO 4 févr. 1945, p. 530.
[13] Jean ZERMATTEN, la prise en charge des mineurs délinquants : quelques éclairages à partir des grands textes internationaux et d’exemples européens, Exposé présenté aux Journées de formation pluridisciplinaire Charles-Coderre à Sherbrooke, le 2 mai 2002.
[14] Article 94 du Code pénal
[15] Il s’ensuit que si les faits visés à la poursuite sont délictuels, la garde à vue du mineur ne peut en aucun cas faire l’objet de prolongation
[16] Article 73 CPP.
[17] Article 74 du CPP « La personne placée en garde à vue est immédiatement informée par l’officier de police judiciaire : 1°de son placement en garde à vue ainsi que de la durée de la mesure et de la prolongation dont celle-ci peut faire l’objet ; 2°de la nature et de la date présumée de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ou tentée de commettre. Elle est également informée de son droit de faire prévenir, sans délai, par tout moyen de communication, une personne avec laquelle elle vit habituellement, un parent, un ami ou son employeur, de la mesure dont elle est l’objet. Toute restriction à ce droit ne peut résulter que d’une instruction écrite ou par tout moyen laissant trace écrite du Procureur de la République. »
[18] Selon les hypothèses, on parle de procès-verbaux de déferrement ou de non-déferrement.
[19] Article 96 du CPP « L’instruction préparatoire est obligatoire en matière de crime ; sauf dispositions spéciales, elle est facultative en matière de délit »
[20] Article 804 du CPP.
[21] Le Juge des enfants est seulement saisi des faits énoncés dans le réquisitoire introductif ou dans la plainte avec constitution de partie civile. Dès lors, il ne peut instruire d’autres faits infractionnels, car il ne peut s’autosaisir. S’il découvre des faits nouveaux, il est obligé de les porter à la connaissance du Procureur de la République, qui pourra suivant réquisitoire supplétif, requérir l’ouverture d’une information judiciaire. Saisi in rem, le Juge des enfants, peut instruire à l’égard de toutes les personnes concernées par les faits visés à la poursuite.
[22] Si le juge d’instruction ne croit pas devoir procéder aux actes requis, il doit rendre, dans les cinq jours des réquisitions du Procureur de la République, une ordonnance motivée. Passé ce délai, le juge d’Instruction est tenu d’accomplir les actes requis ( Article 100 alinéa 3).
[23] Article 98 du CPP.
[24] Mais, si l’inculpé fait spontanément des déclarations, le Juge peut les recueillir. En pratique, ces déclarations spontanées, faites lors de la première comparution, peuvent s’avérer utiles pour la suite de la procédure, car après leur séjour à la maison d’arrêt, les inculpés ont parfois tendance à contester des faits qu’ils avaient initialement reconnus.
[25] Les COM de Yopougon, Bouaké et Man.
[26] Les Centres de réinsertion de Dabou, de Bouaké, et de M’Bahiakro.
[27] Les Centres ONÉSIME (Tiassalé), Dignité et Droits des Enfants, Amigo Doumé, BICE et Sauvetage (Abidjan) , Abel (Grand-Bassam).
[28] Lorsque l’objet du délit a été restitué par exemple.
[29] Lorsque le mineur est par exemple âgé de 13, 14 ou 15 ans.
[30] En cas de vol aggravé, CBV avec ITT de longue durée, etc.
[31] Article 221 du CPP.
[32] Article 33 du décret n°69-189 du 14 mai 1969 portant règlementation des établissements pénitentiaires et fixant les modalités d’exécution des peines privatives de liberté.
[33] Mais rien n’empêche qu’une demande en révision soit formée contre les décisions des juridictions susvisées, dans les conditions prévues par les articles 637 et suivants du CPP.
[34] Il s’agit de l’ordonnance : 1° par laquelle le juge des enfants statue sur sa compétence ; 2° déclarant recevable la constitution de partie civile ; 3° sur la restitution d’objets saisis ; 4° rejetant sa demande d’expertise, de complément d’expertise ou de contre-expertise ; 5° de placement en détention préventive, de prolongation de sa détention ou de refus de mise en liberté ; 6° de renvoi en police correctionnelle ; 7° de renvoi devant le tribunal de simple police.
[35] Article 839 du CPP « Les ordonnances du juge des enfants concernant les mesures provisoires visées aux articles 808 et 809 sont susceptibles d’appel. »
[36] Article 559 du CPP « Sauf dans le cas prévu à l’article 565, l’appel est interjeté dans le délai de vingt jours, à compter du prononcé du jugement contradictoire. Toutefois, le délai d’appel ne court qu’à compter de la signification du jugement, quel qu’en soit le mode : 1°pour la partie qui après débat contradictoire n’était pas présente ou représentée à l’audience où le jugement a été prononcé, mais seulement dans le cas où elle-même ou son représentant n’auraient pas été informés du jour où le jugement serait prononcé. 2°pour le prévenu qui n’a pas comparu, dans les conditions prévues par l’article 421, alinéa 4. Il en est de même dans le cas prévu à l’article 420. »
[37] Article 839 du CPP.
[38] Article 221 alinéa 3 du CPP.
[39] Article 514 du CPP.
[40] Elle est constatée en pratique par un procès-verbal de déclaration d’opposition dressé par le Greffier.
[41] Article 517 du CPP « Si la signification du jugement n’a pas été faite à la personne du prévenu, l’opposition doit être formée dans les délais ci-après, qui courent à compter de la signification du jugement faite à domicile, à Mairie ou à Parquet : dix jours si le prévenu réside en Côte d’Ivoire, un mois dans les autres cas. Toutefois s’il s’agit d’un jugement de condamnation et s’il ne résulte pas, soit de l’avis constatant remise de l’acte prévue aux articles 592, alinéa 3, et 593, alinéa 2, soit d’un 111 acte d’exécution quelconque, ou de l’avis donné conformément à l’article 595, que le prévenu a eu connaissance de la signification, l’opposition tant en ce qui concerne les intérêts civils que la condamnation pénale reste recevable jusqu’à l’expiration des délais de prescription de la peine. Dans les cas visés à l’alinéa précédent, le délai d’opposition court à compter du jour où le prévenu a eu cette connaissance »
[42] En une telle occurrence, le mineur prévenu est jugé suivant la procédure d’itératif défaut.
[43] Article 558 du CPP « La faculté d’appeler appartient : 1°au prévenu ; 2°à la personne civilement responsable ; 3°à la partie civile et à la partie intervenante définie à l’article 20, quant à leurs intérêts civils seulement ; 4°au Procureur de la République ; 5°aux Administrations publiques, dans les cas où celles-ci exercent l’action publique ; 6°au Procureur général près la cour d’appel ; 7°à l’assureur »
[44] Article 564 « L’appel a lieu, soit par déclaration au greffe de la juridiction qui a statué, dans les délais ci-dessus, soit par lettre recommandée avec accusé de réception ou par télégramme, soit par lettre par porteur contre décharge, adressé au greffier de cette juridiction. Le greffier, sur le registre des appels, dresse procès-verbal de réception de la lettre ou du télégramme d’appel. La date d’envoi portée sur le cachet de la poste est considérée comme date d’appel. La partie qui a interjeté appel par lettre ou par télégramme doit ensuite dans le même temps régulariser son appel au greffe de la juridiction répressive la plus proche. Le greffier qui a dressé l’acte le transmet sans délai au greffe de la juridiction qui a statué. En cas d’appel au siège de la juridiction qui a statué, la déclaration d’appel doit être signée par le greffier et par l’appelant lui-même, ou par un avocat ou par un fondé de pouvoir spécial ; dans ce dernier cas, le pouvoir est annexé à l’acte dressé par le greffier. Si l’appelant ne peut signer il en est fait mention par le greffier. La déclaration est inscrite sur un registre public à ce destiné et toute personne a le droit de s’en faire délivrer une copie. »
[45] Article 565 « Lorsque l’appelant est détenu, il peut également faire connaître sa volonté d’interjeter appel par une lettre qu’il remet au chef de l’établissement pénitentiaire ; ce dernier lui en délivre récépissé. Le chef de l’établissement pénitentiaire certifie sur cette lettre même que celle-ci lui a été remise par l’intéressé, et il précise la date de la remise. 121 Ce document est transmis immédiatement au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée par le chef de l’établissement pénitentiaire, sous peine d’une amende civile qui ne peut excéder 100.000 francs prononcée par le premier président de la cour d’appel. Il est transcrit sur le registre prévu par l’article 564, alinéa 4 et est annexé à l’acte dressé par le greffier. »
[46] Article 613 du CPP.
[47] Article 614 du CPP.
[48] Article 617 et 618 du CPP.
[1] Par ESSEHI Eba François, Magistrat, Juge au Tribunal de Première Instance d’Abidjan