
Vulgariser le droit est un impératif. Il ne sera possible de connaître l’efficacité d’une règle que si elle est connue de celui qui doit la mettre en pratique.
Un droit de la famille ivoirien… Adapté ?
En 2013, par une réforme de certains articles de la loi sur le mariage jusque là applicable en droit ivoirien, le législateur ivoirien venait rompre avec la qualité de chef de famille de l’homme pour instaurer en lieu et place la gestion conjointe du ménage par les époux.
D’aucuns se rappellent certainement ce tohu que cette nouvelle règle a créé dans l’environnement juridique ivoirien, et même dans les foyers. Plusieurs se réjouissaient de cette loi et affirmaient en être heureux.
Le paradoxe était que ceux qui se réjouissaient le plus et chantaient à cris de cors l’avènement de cette loi, étaient des concubins à qui la loi ne reconnaissait pas la qualité pour pouvoir se prévaloir d’une telle règle … Mais allez-y comprendre quelque chose…
D’autres ont critiqué cette loi en arguant qu’elle ne correspondait pas aux valeurs sociales et religieuses que nous avons traditionnellement acquis car toujours selon eux l’homme ne saurait être l’égal de la femme… L’égalité apparaît finalement comme une notion subjective en pratique. Alors qu’elle devrait être prise dans son sens objectif, devant la loi.
Dans l’esprit et la lettre de la loi, le législateur a voulu contribuer à l’atteinte de l’égalité homme-femme et se conformer aux accords internationaux ratifiés par la Côte d’Ivoire.
Comme la convention pour l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard de la femme .
Aussi, la côte d’Ivoire se devait d’être éligible pour les objectifs du millénaire pour le développement en réduisant les disparités existants entre homme et femme. Et quel domaine mieux approprié que celui du mariage pour en faire l’exercice pratique.
Cependant, cette réforme avait bien péché par ses insuffisances… Cela le législateur l’a bien compris mais en retard, puisqu’en 2019 il a procédé à une abrogation complète des anciennes dispositions par un nouveau texte de loi qui définissait mieux les droits égaux des conjoints et garantissait la parité des conjoints dans le mariage.
Malgré tout, en pratique les disparités subsistent. La détermination des individus à ne pas se soumettre ou demeurer dans un cadre légal est poignante.
S’inscrivant sous une bannière traditionnaliste ou religieuse, les individus pronent la préséance de leur ordre de pensée… Jusqu’à ce qu’ils soient soumis à la rigueur de la loi.
Que peut faire le législateur face à de telles situations ?
Le législateur sénégalais, l’a bien vite compris en droit de la famille en instituant des situations juridiques propre à la réalité sociale sénégalaise. Un pluralisme juridique dans un système qu’on ne saurait singulariser tant il est caractérisé par la diversité.
Cette solution serait-elle la bienvenue pour autant en Côte d’Ivoire en tentant compte de notre diversité religieuse et traditionnelle ?
La question reste posée.
Afin d’intéresser tout le monde à la pratique juridique, le législateur devrait-il légiférer sur toutes les situations de fait ?
En attendant, le Gabon vient de rejoindre la liste des pays instituant la gestion conjointe…. Peut-être que l’exemple ivoirien a t’ il inspiré le législateur gabonais ou s’agit-il d’une simple mesure pour pouvoir également correspondre aux standards internationaux… La question reste encore posée…
En tout etat de cause, il reste énormément à faire pour valoriser le statut personnel de l’ivoirien. Se limiter à un changement de texte et ne pas y mettre d’impératif pour pousser à leur application est gros leurre. Édicter des textes que personne ne connaît à part le juriste est encore plus dramatique.
Le cas de la loi sur le mariage n’en est qu’un exemple parmis tant d’autres…..
Vulgariser le droit est un impératif. Il ne sera possible de connaître l’efficacité d’une règle que si elle est connue de celui qui doit la mettre en pratique.
Par Sandrine ADON, Juriste, Doctorante en Droit privé, Droit de la famille.
Ps: Ceci est une partie de mes travaux, prière ne l’utiliser qu’à titre d’usage instructif et non professionnel en échange d’une quelconque rémunération.